La mort est souvent perçue avec tristesse et angoisse, une fin abrupte et une séparation douloureuse. Et si nous changions la perspective ?
Nous sommes nourris, toute une vie durant, de tout ce qui provient de la Terre. Notre mort est notre contribution: c’est le pacte. Et quel bonheur de le savoir: savoir que, peut importe ou la mort m’apparaîtra, je viendrais, moi aussi, par mon corps, nourrir cette Terre qui m’a nourrie, accueillie et portée !
La matière de mon corps se décomposera, se mêlera à l’humus, cette couche fertile et vivante, riche des restes de tant de vies passées. C'est en cela que la mort devient un acte ultime de don, notre ultime forme vivante.
Nous sommes bactéries
Nous sommes composés de plus de 100 000 milliards de bactéries, un nombre qui dépasse de loin celui de nos propres cellules. Ces bactéries vivent dans différentes parties de notre corps, remplissant des rôles spécifiques et essentiels :
1. Dans le système digestif : La majorité des bactéries résident dans notre intestin, formant le microbiote intestinal. Elles aident à digérer les aliments, produisent des vitamines (comme la vitamine K et certaines vitamines B), et renforcent notre système immunitaire en combattant les agents pathogènes. Comme le dit le Dr. Rob Knight, un éminent microbiologiste, “Les microbes dans notre corps sont essentiels à notre santé. Ils nous aident à digérer les aliments, à combattre les infections et à réguler notre métabolisme.”
2. Sur la peau : Les bactéries cutanées protègent contre les infections en occupant l’espace et en consommant les nutriments que les agents pathogènes pourraient utiliser. Elles maintiennent également l’équilibre du pH de la peau. Selon le Dr. Julie Segre, “Notre peau abrite des milliards de micro-organismes qui forment une barrière protectrice et contribuent à la santé globale de notre peau.”
3. Dans la bouche : Les bactéries buccales aident à la digestion initiale des aliments et protègent contre les infections. “La flore buccale est essentielle pour prévenir les maladies et maintenir une bonne santé bucco-dentaire”, explique le Dr. Bruce Paster.
4. Dans les organes génitaux : Les bactéries, comme les lactobacilles dans le vagin, maintiennent un environnement acide qui protège contre les infections. Le Dr. Jacques Ravel affirme : “Les lactobacilles jouent un rôle crucial dans la protection de l’appareil génital féminin en maintenant un pH bas et en empêchant la croissance des agents pathogènes.”
À notre mort, ces bactéries commencent le processus de décomposition de notre corps. Elles décomposent les tissus, libérant des nutriments qui enrichissent le sol. Ce processus est essentiel pour le recyclage des éléments organiques dans l’environnement. Les bactéries du sol prennent alors le relais :
1. Les bactéries décomposeuses : Elles dégradent les matières organiques complexes (protéines, lipides, glucides) en composés plus simples que les plantes peuvent absorber. Comme le souligne le Dr. George Kowalchuk, “Les bactéries décomposeuses sont des agents clés dans le cycle de la matière, transformant les résidus organiques en nutriments utilisables par les plantes.”
2. Les bactéries fixatrices d’azote : Certaines bactéries du sol, comme les rhizobiums, fixent l’azote atmosphérique en une forme utilisable par les plantes, enrichissant ainsi le sol. “Sans les bactéries fixatrices d’azote, les sols seraient incapables de supporter une végétation abondante”, explique le Dr. Martin Vessey.
3. Les bactéries nitrifiantes et dénitrifiantes : Ces bactéries participent au cycle de l’azote en convertissant l’ammoniac en nitrates et les nitrates en azote gazeux, régulant ainsi la fertilité du sol. Le Dr. Peter Vitousek note que “Les cycles de l’azote sont essentiels pour la productivité des écosystèmes et sont grandement influencés par l’activité microbienne.”
Je ne veux pas juste croire que mon corps va tout simplement devenir, froid, inerte, rigide, et se decomposer; je veux me rappeler que mon petit être, aussi frêle soit-il, contribuera à fortifier cette Terre qui m'a tout donné. Puissé-je être suffisamment saine au moment de ma mort pour pouvoir contribuer à la croissance d’un beau pommier, d’une plaine de marguerites, ou d’un beau petit ver de terre !
La mort, ainsi vue, devient un juste et ultime service rendu à l’écosystème qui nous a soutenus tout au long de notre existence. En adoptant cette perspective écologique, nous pouvons peut-être dédramatiser la mort, la percevoir non pas comme une perte irrémédiable, mais comme une étape naturelle et essentielle de la grande Loi de la vie. Chaque être vivant, en mourant, libère des éléments chimiques tels que le carbone, l’azote et le phosphore qui enrichissent le sol, permettant à de nouvelles plantes de pousser, à de nouveaux animaux de s’épanouir.
Comme l’a dit Mary Shelley, “La mort est le plus grand mystère de la vie”. Et de ce mystère naît une beauté essentielle, un cycle de renaissance et de renouveau. Et comme le souligne Edgar Morin, “La vie n’est supportable que si l’on y introduit non pas de l’utopie mais de la poésie, c’est-à-dire de l’intensité, de la fête, de la joie, de la communion, du bonheur et de l’amour”. En intégrant cette poésie dans notre vision de la vie et de la mort, nous pouvons, à mon sens, trouver un sens plus profond et plus apaisant à notre existence.
Notre peur de la mort pourrait se transformer en une compréhension plus profonde de notre place dans l’univers. Nous faisons partie d’un cycle infini, où chaque fin est aussi un nouveau commencement. Accepter la mort comme une transition naturelle et nécessaire peut nous apporter une paix intérieure, une sérénité face à l’inéluctable. En honorant ce cycle biogéochimique, nous célébrons la vie dans toute sa splendeur, reconnaissant que même dans la mort, nous continuons à nourrir la vie. Comme l’a si bien exprimé Albert Einstein, “La vie est une préparation à l’avenir; et le meilleur moyen de se préparer à l’avenir est de s’occuper du présent avec toute la force de son âme”.
Armanda Dos Santos