QUESTIONS SUR LES EPIDEMIES
"Après ce petit discours d’Ātreya, Agniveśa enchaîna : Quand les remèdes ont été collectés, préparés et administrés, dites-moi comment une épidémie peut affliger en même temps des personnes ayant une constitution, une alimentation, un corps, une énergie, un tempérament, un mental et un âge différents. [5].
FACTEURS RESPONSABLES DES EPIDEMIES
Maître Ātreya lui répondit : Agniveśa, certes, les hommes diffèrent par leurs caractères propres (constitution, etc.). Mais ce n’est pas tout. Il existe des facteurs de dérèglement généraux provoquant des maladies dont les symptômes apparaissent tous à la même période et qui sont capables d’anéantir une communauté entière.
Ces agents sont en relation avec l’air, l’eau, le lieu et le moment (Kala). [6].
CARACTERISTIQUES DE LA POLUTION DE L’AIR, DE L’EAU, DE LA TERRE ET DU TEMPS
1. L’AIR
Dans un tel contexte, l’air est reconnu comme un agent pathogène dans les cas suivants : dérèglement par rapport aux normes saisonnières, excès d’humidité, de turbulences, de rigueur, de froid, de rudesse ; manifestations météorologiques étranges, inhabituelles et durables ; grandes discordances climatiques avec les normes, tourbillons, odeurs bizarres, nuées, tempêtes de sable, de poussière, de fumée (des incendies ?).
2. L’EAU
L’eau perd toutes ses vertus quand elle change d’odeur, de couleur, de goût et que son approche tactile se modifie ; lorsqu’elle devient trop visqueuse ; lorsque les oiseaux aquatiques quittent les marais et les rivières et que les animaux les désertent parce qu’ils ne leur conviennent plus.
3. LA TERRE
Le sol, un lieu ou une région deviennent insalubres quand changent leur couleur, leur odeur, leur goût et leur contact, quand ils se chargent de moisissures et d’humidité, quand y prolifèrent reptiles, prédateurs, moustiques, sauterelles, mouches, rats, hiboux, vautours, chacals, etc. ; quand se développent en surabondance herbes et plantes grimpantes. Un lieu devient également malsain si son apparence change, si les cultures dépérissent, sèchent ou sont endommagées et si les vents se chargent de fumée ; si les oiseaux crient et les chiens aboient sans cesse ; si la confusion et l’inconfort règnent parmi les animaux et les oiseaux ; si les résidents perdent leurs vertus, leur honnêteté, leur pudeur ou manifestent des troubles du comportement. On peut encore déceler d’autres phénomènes anormaux déterminant l’insalubrité d’une région : débordement et agitation des cours d’eau, chutes fréquentes de météorites, orages et coups de foudre, tremblements de terre, incidents désagréables et tristes ; nombreux signes néfastes apparaissant dans le soleil, la lune et les planètes, telles des teintes dures, couleur de cuivre, rougeâtres, blanches ou prenant l’aspect de nuages ; les habitants deviennent sujets à la confusion, à l’excitation, à la douleur, aux larmes et à la morosité ; ils se lamentent et pleurent bruyamment, comme si un des guhyaka malfaisants (demi-dieux, gardiens du trésor de Kubera) les empoignait.
4. LA SAISON
L’époque est malsaine si l’on constate des anomalies, des excès ou des déficiences par rapport à la norme saisonnière. Ces quatre facteurs contraires aux normes provoquent les épidémies. Quand ils disparaissent, les conditions de salubrité réapparaissent. [7].
Malgré la présence de ces causes extérieures responsables des épidémies, les personnes traitées préventivement seront immunisées contre les affections épidémiques. [8].
L’importance comparée des déséquilibres de l’air, de l’eau, du lieu et des saisons doit être expliquée d’une façon rationnelle. Par nature, l’air, les eaux, le lieu et la saison suivent cet ordre d’importance respectif, en raison de leur échelle de nécessité vitale. Les anomalies de l’élément air (vāyu), etc., déjà citées, seront considérées comme légères quand il s’avère aisé d’y faire obstacle. [9-11].
Pendant ces périodes difficiles, pour protéger sa vie et quand la mort n’est pas la seule issue, on observera quelques règles : honnêteté, bienveillance, charité, offrandes, culte des dieux, noble conduite, calme, instinct de conservation, résidence en des lieux propices à la bonne santé, observance de la continence et compagnie de ceux qui la pratiquent, conversations édifiantes au sujet des écrits religieux (Dharma śāstra) et de l’histoire des grands sages, fréquentation des gens purs et respectant la religion et de ceux qui possèdent toute la considération des aînés". [12-18].
Charaka Samhita, Vimana Sthana, Chapitre 3, slokas 9-18
Le sloka de Charaka Samhita, Vimana Sthana, Chapitre 3, slokas 9-11, examine les causes potentielles des épidémies et comment elles peuvent affecter les individus de différentes façons... malgré des différences dans leur constitution, leur alimentation, leur corps, leur énergie, leur tempérament, leur mental et leur âge.
La réponse d'Ātreya à Agniveśa souligne que malgré ces différences individuelles, il existe des facteurs environnementaux communs qui peuvent provoquer des maladies. Ces facteurs incluent des perturbations dans l'air, l'eau, le lieu et le temps, qui peuvent tous contribuer à l'apparition d'une épidémie.
- L'air peut devenir un agent pathogène lorsqu'il subit des dérèglements en lien avec les normes saisonnières, l'humidité, la turbulence, la rudesse, le froid, ou des phénomènes météorologiques inhabituels.
- L'eau peut perdre ses vertus lorsque son odeur, sa couleur, son goût ou sa consistance changent. Si les oiseaux et les animaux abandonnent les marais et les rivières, cela peut indiquer que l'eau ne leur convient plus, ce qui peut être un signe de la dégradation de la qualité de l'eau.
- La terre ou le lieu peuvent devenir insalubres lorsque leur couleur, leur odeur, leur goût et leur contact changent, ou lorsque des organismes indésirables y prolifèrent.
- La saison peut aussi devenir malsaine en cas d'anomalies, d'excès ou de carences par rapport à la norme saisonnière.
Cependant, le texte souligne que malgré la présence de ces facteurs extérieurs, une action préventive (Dinacharya, Sadvritta, Rtucharya, Ahara, Vihara, Nidra...) peut aider à immuniser les individus contre les maladies épidémiques. De plus, l'importance relative de ces facteurs doit être comprise de manière rationnelle, l'air étant considéré comme le plus vital, suivi par l'eau, le lieu, et enfin la saison.
Ces slokas mettent l'accent sur l'importance de la prévention en médecine ayurvédique, en reconnaissant que l'individu n'est pas isolé de son environnement, mais est en interaction constante avec celui-ci. Ils mettent également en évidence le besoin de comprendre et de respecter les normes saisonnières et environnementales, et de surveiller attentivement les signes de changements malsains dans l'air, l'eau, la terre et la saison.
RECOMMANDATIONS
Les derniers slokas offrent des conseils sur la façon dont les individus peuvent se protéger et se préserver pendant les périodes d'épidémies ou de crises sanitaires. Ces recommandations vont au-delà des mesures physiques pour inclure des aspects émotionnels, mentaux et spirituels. Voici une explication de chaque recommandation:
- Honnêteté : Être honnête dans ses interactions avec les autres permet de créer un environnement de confiance et d'intégrité, ce qui est crucial en temps de crise.
- Bienveillance : Faire preuve de compassion et de considération envers les autres peut aider à atténuer les souffrances et à créer une atmosphère de soutien mutuel.
- Charité : Donner aux autres, surtout à ceux qui sont dans le besoin, peut aider à créer une communauté plus solide et plus résiliente.
- Offrandes : Faire des offrandes aux dieux ou pratiquer des rites religieux peut offrir un sentiment de réconfort et d'espérance en des temps incertains.
- Noble conduite : Agir avec noblesse et respect envers les autres peut contribuer à créer un environnement de respect et de dignité.
- Calme : Rester calme et éviter le stress excessif peut aider à maintenir une meilleure santé mentale et physique.
- Instinct de conservation : Prendre soin de sa propre santé et bien-être est essentiel pour survivre en période de crise.
- Résidence en des lieux propices à la bonne santé : Choisir de vivre dans un environnement sain peut contribuer à maintenir une bonne santé physique.
- Observance de l'abstinence : La maîtrise de soi, notamment en matière de désirs sexuels, est considérée comme une façon de préserver l'énergie vitale et de maintenir une bonne santé.
- Compagnie de ceux qui pratiquent l'abstinence : Fréquenter des personnes qui ont des pratiques de vie saines peut contribuer à renforcer ses propres habitudes de vie saines.
- Conversations édifiantes au sujet des écrits religieux (Dharma śāstra) et de l'histoire des grands sages : Participer à des discussions qui élèvent l'esprit et l'âme peut aider à maintenir une attitude positive et un esprit sain.
- Fréquentation des gens purs et respectant la religion et de ceux qui possèdent toute la considération des aînés : Côtoyer des personnes qui mènent une vie vertueuse et qui respectent les traditions et les aînés peut servir de modèle pour une conduite saine.
En somme, ces recommandations soulignent l'importance d'un mode de vie équilibré qui prend en compte non seulement la santé physique, mais aussi la santé mentale, émotionnelle et spirituelle. Cela renforce l'idée de l'Ayurveda que la santé est un état d'équilibre complet du corps, de l'esprit et de l'âme.
Armanda Dos Santos