L'Ayurveda, science millénaire de la vie, repose sur des principes profonds qui se sont transmis au fil des générations. Au cœur de ces principes se trouve le concept du "Dhatu Poshana Nyaya", qui décrit la manière dont notre corps métabolise et nourrit ses tissus corporels, appelés "Dhatus". Ces enseignements, bien qu'anciens, trouvent une pertinence singulière dans notre compréhension contemporaine du métabolisme et de la Nutrition. À travers cet article, nous allons plonger dans les mystères de ce concept ayurvédique, explorer ses trois théories principales et évaluer comment elles peuvent enrichir notre compréhension moderne de la santé et du bien-être.
Le concept de Dhatu Poshana Nyaya, est developpé au Chapitre 28 de Charaka Samhita, Sutrasthana. Acharya Chakrapanidatta, dans son commentaire sur Charaka Samhita, a expliqué comment les Dhatus se forment et sont nourris dans un ordre séquentiel. Ce processus est appelé Dhatu Poshana Nyaya.
Ainsi, selon les Samhitas, il existe 3 théories qui expliquent le principe de Métabolisme, ou comment les Dhatus (les tissus du corps) se forment et sont nourris :
- Ksheera dadhi Nyaya – Théorie de la transformation
- Kedara kulya Nyaya – Théorie de la transmission
- Kale kapota Nyaya – Théorie de la sélection
1. Ksheera dadhi Nyaya – Théorie du Lait/Yaourt ou Loi de la Transformation
Ksheera = lait, Dadhi = yaourt.
Selon cette théorie, le premier Dhatu formé suite à la digestion de la partie essence de la nourriture (Ahara rasa) par Dhatvagni est entièrement converti en Dhatu suivant. Cela signifie que le Rasa Dhatu formé est totalement transformé en Rakta Dhatu; Rakta Dhatu est complètement transformé en Mamsa Dhatu, etc. Ceci est comparé à la transformation du lait (ksheera) en yaourt (dadhi) . Cette transformation complète d'un Dhatu en un autre est appelée Sarvatma Parinama (bio-conversion totale).
2. Kedara kulya Nyaya – Théorie des champs de Riz ou Loi de la Transmission
Kedara = rizières, Kulya = canal.
Selon cette théorie, la nutrition des tissus peut être comparée à l'irrigation des champs de riz, successivement et en cascade, par l'eau d'un canal. L'eau d'un canal irrigue d'abord le champ le plus proche, puis les autres, successivement, l'un après l'autre, au fur et à mesure qu'elle traverse.
3. Kale kapota Nyaya – Théorie des Pigeons ou Loi de la Sélection
Kale = aire de battage, Kapota = pigeon.
Comme les pigeons picorant les grains jettés au sol, ainsi chaque Dhatu "picore"/recupère le nutriment similaire a ses propores caracteristiques (gunas) et besoins, dès que cet aliment est disponible.
Selon les Samhitas, toutes ces 3 théories sont considérées comme importantes car une seule théorie ne peut expliquer la Nutrition des tissus. Les 3 sont équivalentes et ne s'opposent pas entre elles.
Il peut donc être conclu que Ahara rasa atteint les canaux de nutrition selon Kedari Kulya Nyaya, les nutriments dans ces canaux sont sélectionnés par un Dhatu particulier en fonction de ses besoins selon Kale Kapota Nyaya et les nutriments sont transformés en Dhatus selon Ksheera Dadhi Nyaya.
Le rôle d'Agni
Agni, dans la sagesse ayurvédique, est le principe fondamental qui régit la transformation. Comparé à un "feu digestif", c'est Agni qui est responsable de la transformation du bol alimentaire que nous consommons en une essence nutritive nommée "Ahara Rasa". Cette essence est ensuite distribuée dans divers tissus (Dhatus) pour les nourrir et les entretenir.
Cependant, pour que cette transformation se produise efficacement, Agni doit être présent à la fois en qualité et en quantité appropriées.
- Si Agni est robuste et équilibré, la digestion sera complète, transformant complètement le bol alimentaire en Ahara Rasa pur et facilement assimilable.
- À l'inverse, un Agni faible ou inadéquat ne peut pas transformer correctement le bol alimentaire. Cette digestion incomplète ou inappropriée résulte en la création d'une substance nommée "Ama". Ama est souvent décrite comme étant "cru" ou "non digéré". Dans l'Ayurveda, Ama est considéré comme toxique pour le corps, une substance proche du poison. Elle s'accumule et entrave les fonctions normales des systèmes corporels, pouvant conduire à divers déséquilibres et maladies.
Par consequent, tout le métabolisme et les differentes theories de Dhatu Poshana Nyaya sont absolument dépendantes de la qualité d'Agni .
Samagni
Lorsque les trois doshas – vata, pitta et kapha – sont en équilibre, qu'ils n'influencent pas individuellement le feu digestif et qu'ils contribuent, tous, chacun à son niveau, à la normalité et à l'équilibre du feu digestif, ce feu sera optimal et digérera correctement la nourriture, sans causer de problème. Un tel feu équilibré est appelé samagni (sama + agni).
Cette digestion produira une essence (prasad) nutritionnelle adéquate, aussi appellée Ahara Rasa, qui sera ensuite mise à disposition de tous les tissus et organes de manière optimale.
Gràce à Samagni:
- La santé globale des tissus (dhatus), des canaux (srotas) et des organes sera excellente et toutes les fonctions corporelles se dérouleront harmonieusement.
- Les excréments et les toxines (malas) seront évacués régulièrement et le corps jouira d'une santé globale, d'une endurance exceptionnelle et d'une immunité robuste.
- L'esprit (Manas) et les sens (Indriyas) seront sains et leurs perceptions parfaitement synchronisées.
- La personne sera libre de soucis et de stress et vivra une vie paisible.
Globalement, un feu équilibré (Samagni) contribuera à une digestion équilibrée et optimale.
Cependant, il est très difficile de maintenir, en permanence, un Agni en équilibre optimal. Encore plus à l'époque actuelle, si frénétiquement agitée, changeante et challengeante ! Une telle condition est rare à trouver à cause de nos habitudes alimentaires et de vie irrégulières et incohérentes.
Or, dans la perspective ayurvedique, toutes les maladies sont causées par le Mandagni ou des fluctuations et déséquilibres du feu digestif.
Mais avec une certaine discipline de vie (non stricte, mais consciente et cohérente, appliquee avec beaucoup d'auto bienveillance et d'amour propre), en suivant un protocole défini (détérminé avec un thérapeute de qualité), en respectant correctement les besoins quotidiens (Dinacharya), saisonniers (Rtucharya), en respectant les besoins naturels/physiologiques du corps (sans retenue ni sur-stimulation du besoin de manger, boire, dormir, faire l'amour, uriner, defequer, vomir, tousser, pleurer...), en évitant le stress induit par Maya (l'illusion), en adoptant un comportement mature d'auto-responsabilité et en menant une vie significative (heureuse, utile, bénéfique), on peut certainement garantir un feu équilibré (Samagni), sans trop de difficulté !
Que la Paix soit sur vous,
Armanda Dos Santos