LE YOGA À LA SOURCE
ÉTUDE ET COMPREHENSION DES TEXTES FONDATEURS DU YOGA
LES YOGA SUTRAS DE PATANJALI
EXTRAITS
1. Voici l’enseignement traditionnel du Yoga
2. Le yoga consiste à suspendre l’activité psychique et mentale.
3. C’est alors que le voyant, le Soi, réside en sa propre nature ;
En nous libérant des automatismes, le Yoga nous révèle notre capacité d’être. Cette conscience profonde que Patanjali appelle DRASHTAR, celui qui voit, c’est le Témoin immobile, permanent, éternel, qui nous fait participer à l’énergie cosmique, au-delà de notre incarnation matérielle. Ce bonheur est recherché bien souvent à l’extérieur de nous, alors qu’il est en nous. C’est une richesse commune à tous les être sur terre.
4. Dans les autres cas on l’identifie aux opérations mentales ;
Comme un diamant qui reflète la couleur du support sur lequel il est posé, notre centre immobile et permanent va se teinter par les sollicitations extérieures de nos sens, ou par l’identification à une tache que nous réalisons ou à une personnalité que nous souhaiterons être. Notre vie se déroule alors sous l’emprise de mensonges comportementaux et d’états d’être ou d’états d’âme qui nous empêchent de connaître notre réelle nature. c’est pourquoi l’immobilité et le silence vont nous permettre de faire déposer ces agitations et comme l’eau calme laisse voir le trésor au fond de l’eau, le mental apaisé révélera notre nature et nous permettra d’accéder à la réalité.
5. Celles-ci présentent cinq sortes de modifications de douleur ou non :
6. Connaissance juste, non discrimination, opinions personnelles, inconscience du sommeil et mémoire.
7. Les preuves d’une connaissance juste sont la perception sensorielle directe, la déduction exacte par inférence, l’enseignement traditionnel.
8. La non-discrimination aboutit à une connaissance erronée parce qu’elle n’est pas fondée sur la vraie nature des choses
9. Les opinions personnelles proviennent de l’attribution d’une valeur à des mots privés de sens réel et sans objet.
10. Le sommeil est événement qui entraîne l’absence de connaissance.
11. La mémoire est la persistance des impressions laissés par les objets perçus dans la substance mentale.
12. la suppression de ces états de consciences s’obtient par la pratique et le non-attachement.
13. Mais l’exercice exige un effort soutenu,
14. Et il devient efficace quand il est durable, répété et enthousiaste.
15. Quand au non-attachement, il consiste à écarter le désir des objets sans cesse offerts à notre vue ou à nos sens, et à s’en libérer totalement.
16. Le degré ultime, c’est l’intuition directe du Soi par le rejet des fonctions inhérentes de la manifestations.
Voici évoqué la vision de l’univers selon le SAMKHYA. ( texte important mettant en place tous les éléments qui créent le monde ou la manifestation.)
Le Purusha ( l’Esprit ), qui est inexprimable, inconnaissable, est mêlé à la Prakriti ( la nature), matière dynamique et créatrice, selon trois modalités appelées Gunas : Sattva, Rajas, Tamas.
Sattva, ou le mode de la lumière, de l’équilibre, de la force orbitante.
Rajas, ou le mode de l’énergie motrice, de l’activité mentale, de la force centrifuge.
Tamas, celui de l’inertie, de la force centripète.
Dans l’ordre du manifesté tout est soumis à ces trois modes d’expression.
17. L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de l’argumentation sur les éléments grossiers, de la discrimination sur les éléments subtils, de la félicité et de l’abandon de la notion d’ego.
18. Il existe une autre sorte « d’enstase » obtenue par l’arrêt total de l’activité mentale et où subsistent seulement les impressions résiduelles.
Les impressions résiduelles ( Samskàra ) sont les mémoires accumulées dans cette vie ou d’en d’autres par le Karma
19. Mais il arrive que cette forme aboutisse imparfaitement et soit l’origine de la voie des Dieux et des êtres désincarnés qui s’immergent dans la substance Primordiale.
20. Les autres hommes l’obtiennent par la foi, la détermination, l’activité de la mémoire, l’unification et le discernement de la réalité.
21. Ce but est très vite atteint par ceux qui s’y appliquent avec ardeur.
22. Donc la rapidité du succès est fonction de la mollesse, de la demie mesure ou de l’ardeur de la pratique;
23 Ou bien de l’abandon total au Seigneur suprême.
24. Le Seigneur est le Soi transcendant. Les afflictions, les actions avec leurs conséquences et les traces subconscientes laissées par elles ne l’atteignent pas.
25. En lui le germe de toute connaissance devient infini.
26. Même pour les anciens et les Dieux originels, il reste le Maître, car il n’est pas lié par le temps.
27. On le perçoit par le son de la syllabe OM.
28. La répétition de la syllabe OM dévoile sa signification et sa nature essentielle.
29. Par cette pratique, nous obtenons la révélation de notre être profond et les obstacles s’évanouissent.
30. Ces obstacles qui perturbent le mental s’appellent maladie, indolence, doute, négligence, paresse, sensualité, impossibilité d’atteindre le concentration et de s’y maintenir.
31. La souffrance physique, la dépression, le tremblement des membres et la respiration anarchique accompagnent cette distraction de l’esprit.
32. L’exercice répété de la concentration sur un seul point permet d’écarter ces écueils.
33. La sérénité de l’esprit s’installe lorsque, devant les événements heureux, tristes, bons ou mauvais qui se présentent, nous réagissons par l’amitié, la compassion, la joie et le désintéressement.
Agir en accord avec la conscience profonde et non réagir, emporté par les modifications de la conscience périphérique.
34. On parvient également au contrôle de la fluidité psycho-mentale par expiration et rétention du souffle vital.
35. Mais si on ce concentre volontairement sur les objets perçus par les sens, on provoque aussi la stabilité intérieure ;
36. ou bien en méditant sur l’état lumineux, au-delà de la douleur ;
37. ou sur la substance mentale elle-même, mais privée de tout désir ;
38. ou encore en prenant comme support la connaissance née dans le rêve ou le sommeil profond ;
39. On le provoque également par la méditation sur un quelconque objet qui exerce une attirance heureuse.
40. Ainsi on établit le contrôle sur toutes choses, depuis l’atome jusqu’à l’infiniment grand.
41. Quand cessent tous les mouvements de la pensée et les impressions du subconscient, l’esprit ressemble au plus pur cristal ; le sujet, l’objet et l’instrument de la connaissance coïncident : c’est l’unification.
42. Lorsque le son émis, la signification et la connaissance se juxtaposent exactement, on obtient l’unification qualifiée d’argumentative.
43. Que l’on supprime les fonctions de la mémoire et que l’objet de la concentration brille en lui-même, on parvient alors à l’unification appelée non-argumentative.
44. Les formes avec discrimination et sans discrimination qui concernent les objets subtils sont expliquées de la même manière.
45. La perception la plus fine s’arrête au dernier état potentiel de la manifestation.
46. Telle se présente la série des modes de concentrations dite « avec semence ».
47. L’enstase « sans discrimination » étant acquise, la Paix du Soi se reflète dans l’esprit dégagé de la pensée.
48. A ce stade, la connaissance devient plénitude de vérité ;
49. Elle est infiniment supérieure à celle issue des écritures ou de l’inférence concernant les chose ordinaires.
50. L’impression laissée par cette expérience efface toutes les autres traces subconscientes.
51. Si enfin on supprime cette dernière impression, toutes sont abolies. L’enstase « sans semence » survient alors.
II. Du chemin spirituel
1. Le travail préliminaire comprend l’ascèse, l’étude des Ecritures et l’abandon au Seigneur suprême;
2. Ceci facilite l’accès à la réalisation et réduit les causes de douleur.
3. Ignorance, affirmation de la personnalité, attachement, haine et soif de vivre ; voilà les cinq afflictions.
4. Elles ont toutes leur origine dans l’ignorance, quel que soit leur état, assoupi, atténué, masqué ou déployé.
5. La Nescience repose sur la confusion entre le transitoire et l’éternel, le pur et l’impur, le tourment et le bonheur, l’impermanence et la stabilité du Soi.
6. Le sentiment de l’individualité se dévoile quand on s’identifie aux moyens de perception.
7. L’attachement a sa racine dans l’attrait du plaisir,
8. La haine dans celui du déplaisir.
9. Enfin, on sait très bien que, même chez les plus avertis, l’amour de la vie n’est qu’un flot de complaisance envers soi-même.
10. Toutes les souffrances doivent être résolues en remontant jusqu’en leur source, et détruites
11. Et la méditation éliminera les tourbillons mentaux qu’elles occasionnent.
12, Ces misères laissent une foule d’empreintes qui conditionnent cette vie et les suivantes;
13. Il s’ensuit une inévitable série de conséquences hérédité, longévité, expérience du plaisir et de la douleur,
14. Apportant leurs fruits de joies ou de peines, nées des vertus ou des vices.
15. Tout est vraiment souffrance pour celui qui sait. Tout évolue vers elle. Toutes nos tendances innées s’y acheminent. Toutes les forces contradictoires de la nature y aboutissent.
16. C’est pourquoi il faut rejeter, par anticipation, les tourments à venir.
17. les afflictions germent dès que le voyant, le Soi, et le manifesté se conjuguent. On doit donc éliminer cette cause.
18. Ce qui appartient au conditionné est un mélange des modalités de clairvoyance, d’activité volontaire et d’inertie, un composé des objets des sens et de l’entendement. Son but est la jouissance, mais aussi la délivrance.
19. Ce qui est différencié et ce qui ne l’est pas, l’intelligence que l’on distingue et la conscience pure, sans attributs, désignent les états des trois fonctions de la Manifestation
20. Tout en restant pur et inaltéré, le Soi connaît du dedans, par réflexion dans l’intelligence.
21. et c’est pour sa libération que le monde existe.
22. Pour celui qui a atteint le but, l’univers tel qu’on l’éprouve est aboli, mais pour les autres, il ne cesse pas de fonctionner
23. De l’amalgame des Pouvoirs respectifs de la Nature et de son maître, le Soi, résulte la perception ordinaire;
24. L’ignorance en est la cause;
25. Et quand elle s’efface, cette relation disparaît pour faire place à l’autonomie de la conscience de l’Etre.
26. Cela s’obtient par une discrimination permanente et sans faille;
27. Celui qui y parvient franchit les sept étapes des plans supérieurs et accède a la connaissance de la réalité.
28. Grâce à la pratique assidue de tous les niveaux du yoga, l’impureté s’annule et la lumière de la connaissance s’intensifie jusqu’au discernement le plus complet.
29. Il y a huit degrés ; les réfrènements, les disciplines, la posture, le contrôle du souffle, le retrait des sens, la concentration, la méditation et l’identification.
30. Non-violence, véracité, absence de vol, continence et pauvreté, tels sont les réfrènements.
31. C’est la grande observance à appliquer sans restriction de race, de lieu, de temps et en toutes occasions.
32. Purification, sérénité, ascèse, étude des Ecritures et abandon total au Seigneur suprême constituent les disciplines.
33. Afin d’écarter le trouble que fait naître le doute, on doit s’exercer à l’implantation de la pensée contraire.
34. Les erreurs, violences et autres, que l’on commet soi-même, que les autres font ou approuvent, s’accompagnent de cupidité, de colère, ou d’égarement; qu’elles soient faibles, modérées ou grossières, leurs effets aboutissent tous à l’obscurantisme et à la douleur c’est pourquoi il faut leur opposer la pensée inverse.
35. En présence de celui qui a adopté la non-violence tous les êtres renoncent à l’inimitié.
36. Celui en qui la véracité s’est établie obtient et maîtrise le fruit de ses oeuvres.
37. Celui qui prend pour règle la totale honnêteté voit les richesses venir à lui.
38. Celui qui pratique la continence acquiert et contrôle l’énergie vitale.
39. Enfin, celui qui respecte une stricte pauvreté se souvient de ses vies antérieures.
40. la purification provoque l’indifférence à son propre corps et l’absence de contact avec autrui.
41. On y gagne en outre la pureté lumineuse et la paix du mental, la concentration, la conquête des sens, la capacité de réaliser l’âme universelle.
42. la sérénité procure le bonheur parfait.
43. L’ascèse donne des pouvoirs spéciaux au corps et aux sens. Elle détruit l’impureté.
44. L’étude des écritures et de Formules sacrées nous permet le contact direct avec notre divinité tutélaire.
45. Et Si on s’abandonne complètement au Seigneur suprême, on parvient à l’enstase.
46. la posture doit être stable et agréable.
47. C’est en se concentrant sur l’infini que l’on calme l’agitation physique,
48. de façon à n’être plus affecté par le trouble provenant du jeu des contraires.
49. Après avoir assimilé la posture, on en vient au contrôle du souffle qui consiste à arrêter les mouvements d’inspiration et d’expiration.
50. Ces mouvements de l’énergie respiratoire, vers l’extérieur dans l’expiration, vers l’intérieur dans l’inspiration et bloqués dans la rétention, doivent être dirigés sur des points précis et réglés selon une cadence et sa répétition. Ils sont prolongés ou brefs.
51. Enfin, dans une quatrième phase, le contr8le du souffle conduit au dépassement de la perception des objets extérieurs ou des visualisations intérieures
52. Ainsi se lève le voile qui empêchait la clairvoyance.
53. Et désormais le mental gagne la capacité de concentration.
54. Lorsque les sens se sont écartés de leurs objets et qu’ils se réduisent simplement à leur élément de conscience, cela s’appelle le retrait,
55. et procure leur maîtrise totale.
III. De la puissance du Yoga
1. Etablir la fixation du mental sur un seul point, c’est la concentration;
2. L’y maintenir dans un courant ininterrompu, c’est la méditation.
3. Quand disparaît la forme même de l’objet de la contemplation et qu’on saisit uniquement sa signification, c’est l’enstase.
4. Coordonner les trois mouvements sur ce seul point, cela s’appelle la convergence.
5. Et le succès dans cette triple voie révèle la connaissance.
6. Mais son application se fait par étape.
7. Par rapport aux précédents degrés, cette triade constitue le stade dit “intérieur”;
8. Cependant, en comparaison de l'enstase sans semence”, elle reste une issue extérieure,
9. En supprimant les tendances à la dispersion, se manifestent celles de maîtrise et ,sans perdre ses qualités, le mental obtient l’arrêt de ses modifications;
10. il devient ainsi un fleuve de sérénité.
Il. Ne plus donner libre cours à la multiplicité des phénomènes mentaux, mais soutenir la concentration sur un seul, aboutit à cette modification particulière qu’est l’enstase.
12. L’immobilisation de l’esprit a pour résultat l’équivalence des évènements passés ou présents.
13. Ceci nous explique par ailleurs le mécanisme des changements formels, temporels et qualitatifs qui se produisent à la fois dans le monde de la matière et dans celui des phénomènes subjectifs;
14. Car la substance manifestée conserve sa cohérence au travers de son évolution passée, présente et à venir;
15. Evolution dont la variété a pour cause le devenir.
16. Réussir “concentration-méditation et unification” sur les impressions résiduelles des trois changements de forme, de temps et d’état, apporte la connaissance du passé et du futur.
17. Le mot énoncé, sa signification et ce qu’il représente sont habituellement mêlé~ mais si on établit concentration-contemplation et enstase sur ces éléments séparés, on obtient la connaissance de tous les langages et les cris du monde animal.
18. Quand on découvre les impressions enfouies dans le subconscient, on a la révélation de sa vie antérieure
19. La pratique de la “convergence” appliquée aux notions permet de connaître les états psychiques et mentaux des autres hommes
20. Mais non leur substance mentale elle-même puisque la concentration ne la concerne pas précisément.
21. En dirigeant la même concentration sur la forme du corps, la puissance de perception d’autrui ne s’exerce plus, car le contact avec la lumière de ses yeux se trouve supprimé. Le corps devient donc invisible.
22. Si on l’applique au devenir, entamé ou latent, ou aux présages, on est exactement renseigné sur l’heure de la mort,
23. à l’amitié et aux autres qualités, c’est la force occulte de ces vertus qui survient;
24. à la puissance de l’éléphant, par exemple, on obtient cette même puissance.
25. Se fixer volontairement sur la lumière intérieure apporte la connaissance de tout ce qui est subtil, caché et lointain.
26. De la parfaite concentration sur le soleil découle la connaissance de l’univers,
27. de celle sur la lune, la connaissance des constellations,
28. de celle sur l’étoile polaire, la connaissance des mouvements des étoiles,
29. de celle sur le centre ombilical, la connaissance de la constitution du corps,
30. de celle sur le creux de la gorge, la cessation, de la faim et de la soif,
31. de celle sur le courant d’énergie situé au niveau du cœur, la stabilité du corps,
32. de celle sur la lumière au sommet du crâne, la vision des yogin doués des grands pouvoirs.
33. mais on peut aussi tout connaître par l’illumination spontanée.
34. la contemplation sur le centre du cœur ou de la tête mène à la connaissance de l’esprit.
35. la modalité lumineuse du mental et le Soi sont totalement différents ; mais leur confusion provoque l’expérience du monde. On connaît le Soi en pratiquant la concentration sur sa signification propre, indépendamment de l’expérience sensorielle.
36. Cela a pour effet secondaire l’acquisition des pouvoirs occultes concernant l’audition, le toucher, la vue, le goût et l’odorat.
37. Jugés comme des perfections par le profane, ces pouvoirs sont des entraves à l’unification.
38. En réduisant la cause des liens qui asservissent l’esprit, on peut découvrir le passage pour se transférer dans le corps d’autrui.
39. La conquête de l’énergie vitale de la toux et de l’expiration donne le pouvoir de flotter sur l’eau ou la boue, de marcher impunément sur les épines, de s’élever en l’air ou de mourir quand bon nous semble.
40. La maîtrise de l’énergie vitale de la digestion fait apparaître un rayonnement lumineux.
41 La triade concentration-méditation-enstase appliquée à la relation entre l’oreille et l’espace vibrant produit l’audition surnaturelle;
42. Appliquée à la relation entre le corps et l’espace vibrant et accompagnée de la méditation sur des objets légers comme le coton, elle permet le vol magique;
43. Appliquée aux modifications mentales séparées de l’influence extérieure des sens, on la nomme “grande désincarnation” et elle cause la levée du voile qui cachait la lumière
44. Appliquée aux objets denses et subtils, à leurs principes essentiels et à leur exploration, elle donne la maîtrise des éléments
45. C’est à ce stade qu’apparaissent les pouvoirs tel que devenir aussi petit qu’un atome etc. Désormais les lois de la nature ne concernent plus l’adepte dont le corps est “glorifié”.
46. Charme, force, incorruptibilité du diamant, énergie, sont les caractéristiques de ce “corps glorieux
47. Se concentrer parfaitement sur la perception des objets, sur leur forme propre, puis sur le sentiment d’individualité par rapport à eux et enfin sur la relation existant entre ces facteurs qui provoquent l’expérience, aboutit à la conquête des sens
48. on acquiert ainsi la faculté de se déplacer aussi vite que l’esprit, de percevoir sans l’aide des organes sensoriels, et l’empire sur la Substance Primordiale?
49. Celui qui par cette méthode, apprend à discriminer entre l’Etre et la fonction la plus pure du mental, devient tout puissant et conquiert l’omniscience.
50. mais c’est en renonçant à ces pouvoirs surnaturels eux-même que l’homme détruit l’imperfection dans son germe et atteint l’émancipation.
51. Car, se complaire dans cette situation supérieure et céder à la convoitise et à l’orgueil, ce serait retomber dans le malheur.
52. Arrêter la contemplation sur la fraction la plus infime du temps et sur ses séquences antérieures et postérieures apporte connaissance et discernement continuels.
53. Ce que l’on ne décèle ni par l’espèce, ni par des signes particuliers, ni par la position, peut être néanmoins révélé grâce à la concentration, à la méditation et à l’unification.
54. Cette sagesse suprême issue de la discrimination est délivrance et révélation absolue de toutes choses et de leurs modifications.
55. Quand la pureté de l’intelligence et du Soi coïncident, c’est l’émancipation définitive.
IV De l’émancipation
1. Les pouvoirs occultes s’obtiennent: de naissance, par l’absorption de drogues, l’utilisation de formules hermétiques, la pratique des austérités ou par la concentration.
2. Etre capable de prendre la forme d’une espèce autre que la sienne dépend de la faculté de pénétration dans la substance,
3. Le but n’est pas de bouleverser l’ordre de la Nature, mais d’écarter les obstacles à son évolution, à l’instar d’un cultivateur qui dégage son champ.
4. C’est uniquement de la conscience de l’individualité que proviennent les esprits créés
5. Mais malgré leur nombre et leurs différentes fonctions, un unique support mental les contrôle
6. et, parmi eux, celui seul provenant de la contemplation est exempt de tout attachement.
7. les actions d’un yogin ne sont ni blanches ni noires, alors que les autres hommes ont trois manières d’agir (blanche, noire et grise).
8. Les actes ne laissent de traces subconscientes qu’en rapport avec leurs qualités et leurs résultats.
9. En dépit des barrières de l’hérédité, du temps ou de l’espace, les impressions résiduelles les plus lointaines ne perdent pas de leur intensité, car elles sont de même nature que la mémoire
10. On les dit sans commencement à cause de la permanence du désir.
11. Ces empreintes subconscientes persistent en raison du maintien de leurs causes et de leurs effets ; en détruisant causes et effets, les empreintes s’effacent.
12. Passé et avenir existent par eux-même, car l’expérience du monde est multiple;
13. L’unité des éléments de l’évolution entraîne celle des principes de la création.
15. Les informations sensorielles varient par rapport à un même objet; donc le mental et l’objet de l’expérience sont distincts.
16. De plus, l’existence de l’objet ne dépend pas d’un seul observateur; sinon le monde serait irréel.
17. Mais c’est l’imprégnation mentale qui détermine la connaissance ou la non-connaissance des choses.
18. Les états de conscience sont toujours révélés par le Maître de l’esprit, le Soi, qui est immuable.
19. Cependant le mental n’est pas lumineux par lui-même, puisqu’il reste aussi un objet de perception;
20. Il lui est impossible d’avoir le discernement simultané de lui-même et de ce que les sens lui proposent;
21. Et en supposant qu’un autre mental le saisisse, il devrait alors exister une autre faculté de détermination pour appréhender l’intelligence; il s’ensuivrait un excès d’incertitudes aboutissant à la confusion de la mémoire.
22. Le principe de l’esprit, non sujet au changement, se reflète en Lui, et c’est ainsi qu’il révèle l’intelligence.
23. Imprégnée par le “voyant”, le Soi, et par le “vu” (le monde des phénomènes), la substance mentale peut tout saisir;
24. Et, bien que marquée par d’innombrables traces subconscientes dues à l’assemblage des modifications, elle a pour fin autre chose qu’elle-même;
25. Pour qui découvre cette qualité spécifique, toute spéculation concernant l’existence de l’âme universelle s’arrête.
26. Le mental alors enclin à discriminer aborde l’état d’émancipation.
27. Mais les différentes impressions qui ont échappé à la perspicacité, se réveillent aussitôt pour y faire obstacle,
28. et leur abolition s’effectue comme celle des afflictions dont il a été parlé plus haut.
29. Quand on renonce aux fruits mêmes de la connaissance sur l’essence des choses, le résultat de cette parfaite discrimination est appelé unification dans le “nuage de vertu”.
30. C’est à ce niveau que cessent la douleur et le conditionnement.
3 1. La sagesse étant dès cet instant infinie, dégagée de toute souillure et de toute obscurité, il reste bien peu à connaître.
32. A cause de cela prend fin le processus de transformation des qualités qui maintiennent l’activité du monde; le but est atteint.
33. L’évolution se présente sous la forme d’un principe de succession perceptible seulement au terme de toutes les plus infimes séquences de fragmentation du temps par lesquelles elle passe.
34. l’involution retire aux fonctions de la Nature leur utilité vis à vis du Soi c’est l’état d’émancipation dans la quintessence du pouvoir de l’Être.
YOGATATTVA UPANISHAD
La vraie Nature du Yoga
1. En vue d’aider les adeptes à avancer sur la voie du Yoga je vais en exposer les principes; qui
entendra et assimilera cet enseignement sera à jamais lavé des souillures du péché.
2. Visnu, le Grand-Adepte, le Grand-Etre, le Grand-Ardent, illumine la Voie de Vérité, en tant
qu’Âme universelle.
3. Un jour le Démiurge vint à Lui et Lui demanda, après Lui avoir rendu hommage, d’expliquer la vraie nature du Yoga aux huit degrés.
4. Et le Seigneur Visnu lui ayant répondu qu’il le lui expliquerait très exactement, enseigna ce qui suit
5. Les âmes individuelles sont prisonnières des heurs et malheurs qui les affectent en ce monde; pour les délivrer du pouvoir de l’Illusion il faut leur donner la connaissance du brahman, grâce à quoi l’individu n’est plus affecté par la mort, et ne risque plus de renaître.
6. Cette connaissance est difficile à acquérir, mais elle est le bateau qui permet de franchir le fleuve des renaissances;
On peut l’atteindre par mille chemins divers, mais elle est Une en vérité, refuge suprême au delà de quoi il n’y a rien!
Certains cherchent leur voie dans la pratique des rites tels que l’enseignent les Ecritures védiques ils tombent dans le piège du ritualisme. Ni les liturgistes, ni les Dieux mêmes, ne peuvent rendre compte de cette Réalité indicible, car comment cette forme suprême que seule l’âme connaît serait-elle connue des Ecritures?
7. Non ce brahman, par quoi toutes choses, depuis le Soleil là-haut jusqu’à la jarre la plus modeste, sont manifestés, ne peut être révélé par les Ecritures
Cela se manifeste de soi-même, et la vraie nature de ce brahman est au-delà du langage sous toutes ses formes, tant humaines que divines
8. Cela ne peut se mesurer, Cela ne bouge pas, Cela ne peut être souillé, Cela ne peut éprouver de souffrance, Cela transcende toute réalité,
9. et cependant Cela est investi par les effets du péché et du mérite, lorsque Cela prend la forme d’une âme individuelle!
Mais comment est-il possible que l’Âme universelle prenne la forme d’une âme individuelle?
10. Au commencement, l’Âme universelle qui transcende toutes formes d’existence et dont l’essence est faite de connaissance se mouvait sur les eaux comme une brise légère, en Elle se manifesta d’abord l’Ego, racine de toutes choses, en quoi s’équilibraient les trois qualités de Lumière, d’Energie et d’Inertie;
11. De là naquirent les cinq éléments subtils et les cinq éléments grossies, évoluant à partir de l’oeuf originel; et lorsque un tel ensemble est affecté par les heurs et malheurs de l’existence, on le nomme jîva c’est à dire âme individuelle !
Ainsi donc l’âme individuelle qui dans chaque être est captive du monde, retrouve sa vraie nature d’ãtman lorsqu’elle est libérée des entraves
12. que sont le désir, la colère, la peur, l’égarement, la concupiscence, l’orgueil, la passion, le fait de naître et le fait de mourir,
13. la misère et la douleur, la paresse, la faim et la soif, la honte, la crainte, le malheur, la désolation
et l’horreur.
14. Je vais donc te dire comment délivrer l’âme de ses liens. Sans la pratique du Yoga comment la connaissance pourrait-elle assurer la libération de l’âme?
Inversement, comment la pratique seule non étayée de connaissance assurerait-elle cette libération ?
15. L’adepte avisé, s’il désire la libération doit s’efforcer à la fois d’acquérir la connaissance et de pratiquer le Yoga comme il convient car la source du malheur est dans l’ignorance
16. Le savoir au contraire délivre. On l’acquiert en s’exerçant d’abord au raisonnement logique par lui on distingue tout ce qu’il convient vraiment de connaître.
Par le raisonnement, on se rend compte que l’objet de la connaissance est le brahman suprême et sans second.
17. D’évidence, on le perçoit comme Seigneur, indivis et sans tâche, Être, Conscience, Béatitude, qui transcende les trois moments cosmiques création, conservation, dissolution et toute manifestation et toute connaissance
Savoir cela mérite seul le nom de connaissance.
18. Je vais maintenant t’exposer le Yoga. Quoique unique, il est, en fait, multiple, du moins quant aux façons de le pratiquer
19. Mantra-Yoga, Laya-Yoga, Hatha-Yoga, Rãja-Yoga, tous sont des formes du Yoga qu’on peut décrire de la sorte
20. Le Mantra-Yoga consiste à répéter incessamment durant douze années, des formules et des lettres matrices;
21. on acquiert ainsi progressivement la connaissance et les pouvoirs tels que de se faire aussi ténu qu’un atome.
22. Un tel Yoga, pourtant, ne concerne que l’adepte peu doué intellectuellement.
23. Le Laya-Yoga quoique diversement décrit consiste uniquement à détruire l’activité mentale. Qu’il marche ou se tienne immobile, qu’il dorme, ou mange, l’adepte médite sans relâche sur le seigneur sans limites ainsi parvient-il à détruire son activité mentale. C’est cela le Laya-Yoga.
24. Et maintenant le Hatha-Yoga, les huit degrés qu’il comporte sont les réfrènements et disciplines
les postures et le contrôle du souffle la rétraction des pouvoirs sensoriels la fixation de la pensée enfin la méditation profonde et l’Enstase-finale.
25. Il faut y ajouter trois groupes de Sceaux et diverses contractions musculaires.
26. Ces degrés et ces Sceaux sont nombreux, mais ne sont pas tous indispensables. Des dix réfrènements, par exemple, le plus important est de s’abstenir de nourriture trop riche;
27. De même, la plus importante des dix disciplines est celle qui concerne la non-violence
28. enfin des innombrables postures enseignées par les maîtres du Yoga quatre vingt sont importantes mais quatre seulement sont indispensables
29. savoir: la Perfection, le Lotus, le Lion et la Prospérité.
30. L’adepte devra surtout tenir compte des obstacles à surmonter s’il veut progresser dans la voie du Yoga.
31. La paresse, la fatuité, les mauvaises fréquentations, la pratique de la magie, le désir d’acquérir de l’or ou des femmes, ne sont que mirages mondains : prendre conscience de cela c’est pour l’adepte s’en libérer.
32. Pour contrôler efficacement ses souffles, l’adepte avisé se bâtira une hutte munie d’une petite porte, mais dépourvue d’autres ouvertures
33. le sol en sera bien nettoyé et arrosé d’urine de vache ou de jus de citron, afin d’en éliminer tous insectes moustiques, ou vermine;
34. la hutte sera balayée chaque jour, on y fera brûler de l’encens elle ne sera ni trop haute, ni trop basse;
35. L’adepte étendra à terre un tapis, une peau d’antilope, ou une litière d’herbe; il s’y installera en prenant la Posture du Lotus, et s’efforcera de contrôler ses souffles,
36. Tenant son corps bien droit, l’adepte honorera d’abord, les mains jointes, la divinité de son choix, puis, avec le pouce de sa main droite, il se bouchera la narine droite qui est l’orifice du canal Piñgalã, et insufflera doucement de l’air par la narine gauche, orifice de l’Idã
37. Il retiendra alors son souffle aussi longtemps qu’il lui sera possible, puis l’expulsera progressivement, sans forcer, par sa narine gauche.
38. Ensuite il insufflera à nouveau, par sa narine gauche cette fois conduisant l’air jusqu’à son ventre qu’il emplira progressivement; après l’y avoir maintenu le plus longtemps qu’il lui sera possible, il l’expulsera par la narine droite, doucement, sans forcer.
39. Il procèdera ainsi, inspirant par une narine, expirant par l’autre, alternativement, et, chaque fois retenant le souffle aussi longtemps qu’il le pourra.
40. Pour mesurer le rythme respiratoire on utilise comme unité, le temps qu’il faut à un homme pour se frotter le genou en rond et ensuite claquer du doigt.
41. Lorsqu’on inspire par la narine gauche, on le fait durant seize unités de temps, on tient le souffle ensuite durant soixante-quatre unités
42. et l’on expire enfin, par la narine droite durant trente deux unités. De même lorsque l’on changera de narines.
Ainsi fera-t-on quatre fois par jour:
43. au matin, à midi, le soir, à minuit, tâchant chaque fois de pratiquer jusqu’à quatre vingt tenues de souffles.
44. Après trois mois, les deux canaux Ida et Piñgalã seront tout à fait purifiés et ceci se manifestera dans la constitution même de l’adepte
45. il deviendra ténu, lumineux, le feu de la digestion brûlera plus fort et il perdra du poids.
46. L’adepte engagé dans de telles pratiques s’abstiendra, s’il est sage, de consommer des aliments épicés, renonçant donc au sel, à la moutarde, et en général à toute nourriture acide, forte, astringente, ou aigre
47. il évitera également de manger trop de légumes, se tiendra à l’écart du feu et des femmes ; ne voyagera pas,
48. s’abstiendra de bains matinaux, de jeûnes intempestifs et de tout ce qui entraîne des excrétions corporelles excessives.
49. Au contraire une diète lactée combinée avec l’usage du beurre clarifié est recommandée, comme le sont les céréales bouillies
50. les fèves et le riz:
Tous ces aliments sont en effet connus comme favorables à la pratique du yoga.
51. En observant ces prescriptions l’adepte parviendra à tenir le souffle aussi longtemps qu’il le voudra: c’est ce que l’on nomme la Tenue Parfaite.
Inspiration et expiration y sont alors comme abolies : qui est maître de cette technique peut réussir n’importe quoi dans les trois mondes.
52. Lorsque l’on tient ainsi le souffle, la transpiration se fait abondante et il est nécessaire de masser le corps. Plus tard, le corps se met à trembler alors même que l’on est assis dans la Posture du Lotus.
53. Et si l’on avance encore dans ce type de pratique, paraît le phénomène dit la “grenouille” l’adepte assis dans la posture du Lotus saute et bondit comme une grenouille.
54. Plus tard ces mouvements cessent mais le corps se soulève au dessus du sol, et bien qu’étant toujours assis dans la posture du Lotus, l’adepte se déplace sans toucher terre!
55. Apparaîtront également d’autres phénomènes surhumains, mais il se gardera d’en faire état; il ne dira pas non plus que maintes misères corporelles lui seront dès lors épargnées
56. car il ne dormira plus que très peu, éliminera un minimum d’excrétions, sera préservé d’hémorragies, de bavements, sueurs profuses, mauvaises odeurs et autres;
57. et, s’il progresse encore dans la pratique de Tenue du souffle il acquerra bientôt une force prodigieuse qui lui permettra
58. non seulement de circuler à volonté sur toute la terre mais encore de l’emporter sur n importe quelle créature
59. tigres, panthères, éléphants, buffles sauvages, lions, il les tuera tous d’une simple chiquenaude!
60. Devenu aussi beau que le Dieu Amour lui-même, il attirera les femmes qui languiront de faire l’amour avec lui
61. mais il s’en abstiendra afin d’éviter de perdre sa semence. Oui, qu’il se garde de la gent féminine:
62. du fait qu’il ne répandra pas sa semence, son corps conservera une odeur agréable.
63. Seul dans sa retraite, il se trouvera bien de pratiquer la répétition constante d’OM, allongement de la voyelle : ainsi effacera-t-il les péchés accomplis avant de s’engager dans le Yoga;
64. OM en effet délivre du Mal et détruit les écueils sur la voie du Yoga; c’est pourquoi la répétition constante du monosyllabe sacré est une pratique efficace pour qui veut avancer en Yoga.
65. Ensuite vient la “Jarre” exercice accompli pour contrôler les souffles : l’adepte s’efforce d’unir le couple inspiration-expiration avec les couples pensée-intelligence et âme individuelle-âme universelle en supprimant leurs rivalités.
66. Pour y parvenir, voici ce qu’il faut faire : pratiquer la Tenue du souffle comme elle a été décrite précédemment mais seulement pour un quart de sa durée;
67. ou, si l’on veut la Tenue Parfaite, mais une seule fois par jour, à l’aube ou au crépuscule.
68. Quant au cinquième degré du Yoga, qui consiste en une rétraction des pouvoirs de sensation et
d’action, afin d’abolir tous désirs, l’adepte du Hatha-Yoga le réalise lorsqu’il pratique la Tenue du souffle
69. Et maintenant le sixième degré savoir: la fixation de pensée, ou attention concentrée sur un objet unique.
70. Quelle que sera la vision que verront ses yeux, l’adepte devra la reconnaître comme étant son âme,
quel que sera le son qu’entendront ses oreilles, l’adepte devra le reconnaître comme étant son âme,
71. quel que sera le parfum que sentiront ses narines, l’adepte devra le reconnaître comme étant son âme,
quel que sera le goût que percevra sa langue, l’adepte devra le reconnaître comme étant son âme;
72. quel que sera le contact qu’éprouvera sa peau, l’adepte devra le reconnaître comme étant son
âme:
ainsi fixera t’il sur son âme l’attention de ses facultés sensorielles;
73. Un tel effort sera fait chaque jour durant trois heures, avec application et sans paresse; alors l’adepte verra naître à coup sûr des pouvoirs merveilleux dans sa pensée:
74. il entendra de loin, verra de loin, se rendra au loin instantanément ; il acquerra la perfection du langage et pourra prendre n’importe quelle forme, aussi bien que de se rendre invisible, s’il le désire; à l’aide de boue et d’urine il pourra transformer en or le cuivre ou n’importe quel métal;
75. il pourra même, en s’appliquant avec persévérance à la pratique de fixation de la pensée obtenir le pouvoir merveilleux de voyager dans l’espace cosmique;
76. cependant, l’adepte dont l’intelligence est ordonnée à la réalisation complète du Yoga considérera ces pouvoirs exceptionnels comme des obstacles sur le chemin conduisant à la Réalisation:
77. il ne recherchera pas ces pouvoirs et s’il les a, n’en tirera pas gloire s’il veut être un vrai Seigneur du Yoga.
78. Bien au contraire, pour tenir secrets ses pouvoirs il agira dans le monde comme s’il était un homme ordinaire, ou même un simple d’esprit, voire un sourd-muet.
79. Les néophytes, en effet, font toutes sortes de questions et si l’adepte voulait y répondre, il perdrait de vue sa propre démarche qui est de progresser sur la voir du Yoga sans se préoccuper du monde.
80. Qu’il s’applique, nuit et jour, à contrôler ses souffles, selon les prescriptions de son guru : ainsi parviendra-t-il à la maîtrise.
81. Une telle étape n’est pas aisément franchie la volonté n’y suffit pas, encore moins les bavardages elle ne l’est que par un effort constant ordonné à la réalisation du Yoga.
82. Vient ensuite le Paricaya: grâce à cette pratique, le souffle s'associes avec le Feu du Fondement, puis est guidé par l’adepte jusque dans la Susumnã.; le souffle et le feu y pénètrent après avoir pris la forme et la fonction de l’Energie-lovée;
83. y pénètre alors également l’esprit de l’adepte, qui désormais suivra cette voie majeure : le Paricaya est effectivement réalisé lorsque l’esprit entre avec le souffle dans la Susumnã.
84. Les cinq éléments sont la Terre, l’Eau, le Feu, l’Air, et l’Ether : en rapport avec eux, il existe une Fixation de la Pensée s’exerçant sur les cinq Dieux Brahman, Visnu, Rudra, Isvara, Sad~siva dite pour cela “la Quintuple Fixation”. Voici en quoi elle consiste:
85. Dans le corps de l’adepte, la part comprise entre pieds et genoux relève de l’élément Terre; La Terre est carrée, et de couleur jaune; elle est symbolisée par la syllabe LAM; l’adepte fait entrer le souffle dans la part de son corps relevant de Terre, en association avec le son LAM,
86. il médite alors sur Brahman le Dieu couleur de l’or à quatre visages et quatre bras, tout en tenant son souffle pour cinq fois vingt quatre mesures; par ce moyen, l’adepte se rend maître de l’élément Terre et se protège de la mort sur terre.
87. Dans le corps de l’adepte, la part comprise entre genoux et anus relève de l’élément Eau ; l’Eau a la forme d’un croissant, elle est de couleur blanche; son symbole est la syllabe VAM;
l’adepte fait entrer le souffle dans la part de son corps relevant de l’Eau, en association avec le son VAM;
88. il médite alors sur Visnu Nãrãyana, le Dieu à quatre bras, qui porte un diadème de cristal et une robe de soie blanche tout en retenant son souffle pour cinq fois vingt-quatre mesures;
89. ainsi est-il lavé de ses péchés ; l’eau ne présente plus de danger pour lui et il se protège de la mort dans l’eau.
90. Dans le corps de l’adepte, la part comprise entre l’anus et le coeur relève de l’élément Feu; le Feu a la forme d’un triangle, il est de couleur rouge, et son symbole est la syllabe RANI
91. l’adepte fait entrer le souffle dans la part de son corps relevant du Feu en association avec le son RAM;
92. il médite alors sur Rudra le Dieu qui a trois yeux, qui exauce toute prière, et resplendit comme le soleil levant
93. méditant sur ce Dieu gracieux dont le corps est couvert de cendres, l’adepte tient son souffle pour cinq fois vingt-quatre mesures;
94. par ce moyen, l’adepte est à jamais protégé du feu: son corps, jeté dans un brasier ne s’y consumerait pas.
95. Dans le corps de l’adepte, la part comprise entre coeur et sourcils relève de l’élément Air; l’Air a la forme d’un hexagone, il est de couleur noire, et son symbole est la syllabe Yam;
96. l’adepte fait entrer le souffle dans la part de son corps relevant de l’Air, en association avec le son YAM
97. il médite ensuite sur Îshvara l’omniscient, l’omniprésent, et tenant son souffle pour cinq fois vingt- quatre mesures,
98. par ce moyen, l’adepte acquiert la possibilité de se mouvoir dans l’espace aussi librement que l’air; l’air n’a plus de danger pour lui.
99. Dans le corps de l’adepte, la part comprise entre les sourcils et le sommet de la tête relève de l’élément Ether; l’Ether a la forme d’un cercle, il est de couleur bleutée son symbole est la syllabe HAM;
100. l’adepte fait entrer le souffle dans la part de son corps relevant de l’éther, en association avec le son HAM
il médite alors sur Siva, le Dieu de majesté, l’auspicieux qui a l’apparence d’une goutte-de-lune et ressemble à l’Ether lui-même;
101. Il médite sur Sadãsiva couleur de cristal limpide, dont la tête s’orne d’un croissant de lune;
sur le Dieu à cinq têtes, dont chaque visage a trois yeux;
sur le Dieu dont les bras sont dix tenant des armes et ornés de joyaux;
102. sur le Dieu dont le corps est pour moitié celui d’Umã, sur le Dieu qui exauce les prières, oui, sur Siva, cause première de l’univers il médite en tenant son souffle;
103. ainsi gagne-t-il le pouvoir de voyager dans les espaces cosmiques jouissant en quelque lieu qu’il s’arrête d’une béatitude sans fin.
104. Ainsi doit-on pratiquer la Quintuple Fixation: par elle, on obtient un grand renom; il n’y a plus de mort pour l’adepte qui la pratique car rien dès lors ne peut l’atteindre même si l’univers venait à se dissoudre
105. L’étape suivante sur le chemin du Yoga est la méditation profonde que l’on pratique en tenant le souffle pour soixante fois vingt-quatre mesures;
106. la méditation se dit “qualifiée” lorsqu’elle a pour objet une divinité on gagne, à la pratiquer toutes sortes de pouvoirs merveilleux, tels que de réduire son corps à la taille d’un atome.
Lorsqu’il parvient à pratiquer la méditation dite “non qualifiée” l’adepte atteint en douze jours ce but suprême du Yoga qu’est l’enstase-finale.
107. Il est, dès lors, un délivré-vivant grâce à son pouvoir de tenir le souffle aussi longtemps qu’il le veut et au fait que son âme individuelle a pu s’unir à l’âme universelle.
108. Il peut, dès lors, s’il le désire, abandonner son corps et reposer à jamais dans le sein du brahman suprême, ou, au contraire, préserver son intégrité corporelle;
109. il peut, s’il le désire, parcourir les mondes grâce à ses pouvoirs tels que de se déplacer à son gré;
110. il peut, s’il veut devenir Dieu, et jouir des plaisirs du Ciel, ou se transformer à son gré en homme, en animal ou en génie, devenir lion, tigre, éléphant, cheval, ou même atteindre au statut de Seigneur Suprême!
111. Ces différentes métamorphoses ne sont qu’affaire de pratiques diverses, le but ultime cependant reste le même qui est d’atteindre l’état d’isolement absolu.
112. Et maintenant les Sceaux:
Le Lien de majesté se pratique ainsi : l’adepte place son pied gauche sur son sexe
113. et tient à deux mains son pied droit;
inclinant sa tête jusqu’à ce que son menton touche sa poitrine,
114. il inspire, et tient son souffle aussi longtemps qu’il le peut, puis expire;
115. il recommence ensuite en inversant la position : à chaque fois le pied tenu à deux mains doit être placé au haut de la cuisse opposée.
116. On appelle “Grande Perforation” une variante du Lien de Majesté qui consiste à bloquer l’air aspiré, grâce au Geste du Porteur de Lacs
117. afin d’emplir complètement les deux canaux Idã et Pingalã.
Les adeptes les plus avancés pratiquent volontiers la Perforation
118. Quant au Sceau de l’Oiseau il consiste à replier l’extrémité de la langue, en arrière, jusqu’à ce qu’elle vienne se loger dans le trou du crâne, derrière la glotte; on le pratique tout en fixant son attention sur le point situé entre les deux sourcils.
119. On connaît également la contraction dite du Volant, grâce à laquelle le souffle monte, par la Susumnã jusqu’en haut de la tête;
120. et l’on connaît encore le Lien de la Matrice, grâce auquel l’Apãna est rejeté vers le haut, grâce à une contraction de la région génitale opérée par les talons;
121. également, le Lien de la base, grâce auquel les deux souffles s’identifient à la voyelle O et à sa nasalisation (NI), le but suprême du Yoga;
122. quant à l’attitude inversée elle plaît aussi aux adeptes avancés car elle garde de maintes maladies du corps et de l’esprit;
123. Si on la pratique quotidiennement, le feu de la digestion brûle mieux et l’on doit consommer plus de nourriture qu’à l’ordinaire, faute de quoi le feu de la digestion consumerait le corps lui-même;
124. tête en bas, pieds en l’air, l’adepte restera ainsi, le corps bien droit, pendant une minute le premier jour; deux minutes le second jour, et ainsi de suite, augmentant progressivement la durée de l’exercice;
125. en trois mois, rides et cheveux gris disparaîtront, et si l’on pratique l’Attitude Inversée durant trois heures chaque jour, l’on ne mourra point.
126. Existe aussi le “Sceau de la foudre” : qui le pratique acquiert tous les pouvoirs et la réalisation suprême
127. est en quelque sorte à portée de sa main; il connaît le passé et l’avenir; et les bénéfices obtenus par qui pratique le Sceau de l’Oiseau il les acquiert à coup sûr.
128. Une variante est l’Amaroli, elle consiste à boire sa propre urine, en en gardant un quart, dont on s’asperge tout en pratiquant le Sceau de la Foudre.
129. Lorsque l’adepte a franchi toutes ces étapes sans exception il peut dire qu’il a maîtrisé complètement le Rãja-Yoga;
130. il est enfin délivré de ses pulsions passionnelles et sait discriminer le spectateur du spectacle; devenu un Grand Adepte, un Grand Etre, un Grand Ascète, il est Visnu lui-même; sur le chemin qui mène à l’absolu il brille comme un flambeau, lui qui est désormais le Grand Esprit!
131. L’enfant qui suce le sein de sa mère connaît la joie: c’est le même sein qu’il avait tété dans une vie antérieure
132. l’homme prend son plaisir dans la matrice de son épouse : c’est dans cette même matrice qu’il fut conçu dans une vie antérieure; celle qui fut la mère est aujourd’hui l’épouse et l’épouse demain sera mère à son tour
133. Celui qui fut le père est aujourd’hui le fils, et le fils demain sera père à son tour; ainsi, par la faute du samsãra, les hommes sont comme les augets d’une roue hydraulique !
134. Trois sont les mondes, trois sont les Vedas, trois les jonctions rituelles, trois les tons; trois sont les Feux du sacrifice, trois sont les qualités naturelles; et toutes ces triades ont pour fondement les trois phonèmes de la syllabe OM;
135. qui connaît cette triade à laquelle il faut ajouter la résonance nasale, connaît Cela sur quoi l’univers entier est tissé, Cela est la Vérité et la Réalité suprême !
136. de même que le parfum est dans la fleur, le beurre dans le lait, l’huile dans le sésame, et l’or dans les pépites,
137. un lotus se tient dans le coeur: incliné vers le bas, il dresse sa tige et porte une marque à sa base en son milieu l’esprit repose;
138. lorsque disant “OM!” l’adepte prononce la voyelle A, le lotus se redresse, et il est percé lorsque est prononcé U;
139. avec la nasale M, OM est complet prolongé par la résonance en forme de croissant:
140. Sous l’apparence du Verbe pur, c’est là le brahman indivisible, par quoi le mal est détruit; l’âme ainsi attelée par le Yoga atteint au but suprême.
141. Et de même qu’une tortue rétracte en elle-même ses mains, ses pieds, sa tête, l’adepte ayant empli son corps grâce à l’air inspiré, rétracte en lui ses sens.
142. Quand les neuf portes sont fermées le souffle inspiré s’élève, puis reste immobile au centre du corps comme la flamme d’une lampe.
143. L’adepte alors est au désert, dans la paix:
144. il y trouvera la certitude parce qu’il jaugera toutes choses à la mesure de l’âme, et le mal l’épargnera grâce à l’aide efficace que lui apportera le Yoga.
Telle est l’Upanisad.
LE VIJNÂNA BHAIRAVA TANTRA
Traduction Lilian SILBURN, Directrice de Recherche au CNRS
1/ La Déesse dit :
Ô Dieu, tout ce qui tire son origine du Rudrayâmalatantra m’a été intégralement révélé. C’est le Trikabheda, la triple différenciation obtenue en extrayant la quintessence de la quintessence.
2-4/ Et cependant, O Maître suprême ! mon doute n’est pas encore dissipé. Quelle est, O dieu, en réalité absolue, l’essence qui consiste en énergie fragmentatrice de l’ensemble des sons ? Ou encore, comment peut-elle résider sous l’aspect différencié d’une nonuple formule dans la forme distincte de Bhairava ? Ou encore, comment est-elle différenciée en un Dieu à trois têtes ? Ou comment donc consiste t-elle en une triple énergie ? Comment à nouveau est-elle faite de nâdabindu ? Qu’est-ce que les phases subtiles de l’énergie phonématique, la demi-lune et l’obstruante ? Ou encore comment est-elle la consonne sans voyelle (anacka) qui réside sur la roue des phonèmes ? Comment donc a-t-elle pour nature propre l’Énergie ?
5-6/ Ou encore comment tout est composé, soit de l’énergie transcendante-et-immanente et à la fois de l’énergie immanente seule, et encore à la fois de l’énergie purement transcendantale ? La transcendance, en vérité, ne saurait être différenciée en phonèmes et en corps, car elle ne peut se trouver en tant que nature indivise dans ce qui est composé.
7-10/ O Seigneur accorde-moi ta grâce et dissipe entièrement mon doute.
Bhairava répond :
Bien ! Bien ! O Très aimée ! ta question forme la quintessence des Tantra. Ce sujet est extrêmement ésotérique, O Bienheureuse ! pourtant je te l’expliquerai, Déesse. Tout ce qu’on déclare forme composée appartenant à Bhairava doit être considéré comme une fantasmagorie, une illusion magique, un rêve, le mirage d’un château dans le ciel, du fait de son manque de substance.
11-13/ Du point de vue absolu, ce bhairava n’est ni la nonuple formule, ni l’ensemble des sons. Il n’est pas non plus le Dieu à trois têtes. La triple énergie ne constitue pas son essence. Il ne consiste pas non plus en nâdabindu, ni en candrardha ni en nirodikhâ (ensemble d’énergies de plus en plus subtiles) et ne s’associe pas au cours de la Roue cosmique. L’énergie ne forme pas son essence, car ces conceptions ne sont que des épouvantails à l’usage des enfants et des hommes à la pensée non encore éveillée, elles jouent le même rôle que la douceur qui cache le médicament. Leur description n’a d’autre but que de faire progresser l’aspirant.
14-17/ La félicité éprouvée comme sienne au plus profond de soi n’est pas soumise à la pensée dualisante. Elle échappe aux exigences de temps et de lieu ainsi qu’aux spécifications de l’espace. Dans l’ordre de la vérité absolue, elle ne peut être suggérée et demeure ineffable. Telle est l’expression de la plénitude, la Bhairavi, l’énergie du Soi de Bhairava. En vérité on doit discerner cette Merveille immaculée qui emplit le cosmos. A un tel degré de réalité qui donc est adoré et qui se plait à l’adoration ? Cette condition de Bhairava qu’on célèbre de la sorte est attestée comme suprême. C’est elle que sous sa forme la plus lointaine, on déclare ‘Déesse suprême’.
18-19/ Puisqu’il ne peut jamais y avoir aucune distinction entre énergie et détenteur d’énergie, ni entre substance et attribut, l’énergie suprême est identique au Soi suprême. Comme on n’imagine pas d’énergie consumante distincte du feu, la distinction entre énergie et porteur d’énergie n’apparaît pas lorsqu’on s’absorbe dans la Réalité de la connaissance absolue.
20-21/ Si celui qui pénètre dans l’état de l’énergie réalise qu’il n’en est pas distinct, son énergie divinisée assume l’essence de Shiva et on la nomme alors ‘ouverture’. De même que, grâce à la lumière d’une lampe ou aux rayons du soleil, on prend connaissance des diverses portions de l’espace, de même O Bien Aimée ! c’est grâce à son énergie que l’on peut connaître Shiva.
22-24/ La Déesse dit :
O dieux des dieux ! Toi qui portes l’emblème du trident et as pour ornement la guirlande des crânes, dis-mois par quels moyens on peut apercevoir l’état qui a forme de plénitude propre à Bhairava, qui échappe au temps et à l’espace et défie toute description ? En quel sens dit-on la suprême Déesse est l’ouverture qui lui donne accès ? Instruis-moi O Bhairava, afin que ma connaissance devienne parfaite.
Bhairava répond :
Il faut exercer une poussée ascensionnelle sur la suprême Énergie formée de deux points (Visarga), que sont le souffle expiré en haut et le souffle inspiré en bas. La situation de plénitude provient de ce qu’ils sont portés ou maintenus, sur leur double lieu d’origine.
25/ Si l’on s’exerce sans interruption sur le couple des espaces vides interne et externe des souffles inspirés et expirés, ainsi O Bhairavi : la merveilleuse Forme de Bhairavi et de Bhairava se révélera.
26/ L’énergie sous forme de souffle ne peut ni entrer ni sortir lorsqu'elle s’épanouit au centre en tant que libre de dualité, par son entremise on recouvre l’essence absolue.
27/ Qu’on pratique la rétention du souffle lorsqu'on expire ou encore lorsqu'on inspire. A la fin de cet exercice, on nommera cette énergie du souffle retenu, ‘apaisée’ et grâce à cette énergie se révèle l’essence apaisée.
28/ Qu’on se concentre sur cette énergie du souffle resplendissante de rayons de lumière et dont l’essence est subtile entre les choses subtiles, quand elle s’élève de la base jusqu'à ce qu’elle s’apaise au centre supérieur. Voilà l’ Éveil de Bhairava.
29/ De centre en centre, de proche en proche, l’énergie vitale, tel un éclair jaillit jusqu'au sommet du triple poing, tant qu’à la fin le grand Éveil se produit.
30/ Les douze modalités successives correspondent exactement à la distinction en douze phonèmes. S’étant libéré graduellement des conditions matérielle, subtile, et suprême, en dernier lieu, on s’identifie à Shiva même.
31/ Ayant rempli le sommet du crâne de l’énergie du souffle et projeté celle-ci rapidement à l’aide du pont établi par une contraction des sourcils, si l’on a libéré la pensée de toute dualité, grâce à cette énergie, on deviendra omnipénétrant dès qu’on accède à ce qui est au delà de toute chose.
32/ Si l’on médite sur le quintuple vide, en prenant pour support les cercles bariolés des plumes du paon, on s’abîme dans le Cœur, l’incomparable Vide.
33/ Vide, mur, réceptacle suprême, quel que soit l’objet sur lequel on doit se concentrer en suivant un tel ordre, l’excellente Bienfaitrice se résorbe en elle même.
34/ Ayant fixé la pensée à l’intérieur du crâne, se tenant les yeux fermés, peu à peu, grâce à la stabilité de la pensée, qu’on discerne l’éminemment discernable.
35/ Le canal médian est ce qui tient au Centre. Quant on médite sur lui sous forme de cette Déesse qui, semblable au filament d’une tige de lotus, est identique au firmament intérieur, alors le Dieu se révèle.
36/ Dès que l’on a bouché les ouvertures des sens à l’aide de l’arme défensive que forme les mains les obstruant, et qu’on perce le centre entre les sourcils, le bindu une fois perçu disparaît peu à peu, alors au milieu de cette disparition, voilà le suprême séjour.
37/ Si l’on médite dans le cœur et au sommet de la mèche de cheveux sur le bindu, point semblable à la marque rouge, ce feu subtil que produit une certaine effervescence, à la fin, lorsque celle-ci a disparu, on s’absorbe dans la Lumière de la Conscience.
38/ Il accède au brahman suprême celui qui baigne dans le brahman-son, l’anâtha logé dans le réceptacle de l’oreille, son ininterrompu, précipité comme un fleuve.
39/ Si l’on récite la syllabe sacrée AUM ou toute autre formule et qu’on éprouve le vide qui se trouve à la fin du son protracté, au moyen de cette éminente énergie du vide, O Bhairavi, on atteint la vacuité.
40/ Il faut se concentrer sur la fin ou le commencement de n’importe quel phonème. Par la puissance du vide, cet homme devenu vide prendra la forme du vide.
41/ En suivant attentivement les sons prolongés d’instruments de musique, à cordes ou autres, si l’esprit ne s'interresse à rien d’autre, à la fin de chaque son, l’on s’identifiera à la forme merveilleuse du firmament suprême.
42/ Mais aussi à l’aide de la succession ordonnée de phonèmes grossiers d’une formule quelconque d’un seul bloc, sous la poussée du vide propre aux phases subtiles d’ardhendu, bindu, et nadâbindu on deviendra Shiva.
43/ Qu’on évoque l’espace vide en son propre corps dans toutes les directions à la fois. Alors, pour qui jouit d’une pensée libre de dualité, tout devient espace vide.
44-45/ On doit évoquer en même temps le vide du sommet et le vide de la base. Du fait que l’Énergie est indépendante du corps, la pensée deviendra vide.
Qu’on évoque de manière simultanée le vide du sommet, le vide à la base et le vide du cœur. Grâce à l’absence de toute pensée dualisante, alors se lève la Conscience non-dualisante.
46/ Si l’on évoque, rien qu’un instant, l’absence de dualité en un point quelconque du corps, voilà la Vacuité même. Libéré de toute pensée dualisante, on accédera à l’essence non dualisante.
47/ O Belle aux yeux de gazelle ! Qu’on évoque intensément toute la substance qui forme le corps comme pénétrée d’éther. Et cette évocation deviendra alors permanente.
48/ On doit considérer la différenciation de la peau du corps comme un mur. Celui qui médite sur son corps comme s’il ne contenait rien à l’intérieur, adhère bientôt à l’au-delà du méditable.
49/ O Bienheureuse ! les sens anéantis dans l’espace du cœur, l’esprit indifférent à toute autre chose, celui qui accède au milieu de la coupe bien close des lotus atteindra la faveur suprême.
50/ Du fait que la pensée est absorbée dans le dvâdasantâ, chez un homme dont l’intellect est ferme et dont le corps est pénétré de toutes parts de Conscience, se présente alors à lui la caractéristique de la Réalité bien affermie.
51/ Qu’on fixe sa pensée dans le centre supérieur, dvâdasantâ, de toutes manières et où qu’on se trouve. L’agitation s’étant peu à peu abolie, en quelques jours l’indescriptible se produira.
52/ On doit intensément se concentrer sur sa propre forteresse comme si elle était consumée par le feu du Temps qui surgit du pied de ce Temps. Alors, à la fin, se manifeste la quiétude.
53/ De même, après avoir médité en imagination sur le monde entier comme étant consumé par les flammes, l’homme dont l’esprit est indifférent à toute autre chose, accèdera à la plus haute condition humaine.
54/ Si l’on médite sur les catégories subtiles ainsi que sur les catégories très subtiles, incluses dans son propre corps, ou bien sur celles de l’univers comme si elles se résorbaient les unes dans les autres, finalement la suprême Déesse se révélera.
55/ Si l’on médite sur l’énergie du souffle grasse et très faible dans le domaine du dvâdasantâ et qu'au moment de s’endormir, on pénètre dans son propre cœur; en méditant ainsi on obtiendra la maîtrise des rêves.
56/ Il faut se concentrer par degrés sur l’univers sous forme de monde et autres cheminements, en le considérant dans ses modalités grossière, subtile et suprême, jusqu'à parvenir finalement à l’absorption de la pensée.
57/ Après avoir médité sur la réalité Sivaïte selon la méthode des six cheminements, de façon exhaustive en y incluant l’univers entier, alors se produit le grand Éveil.
58/ O puissante Déesse ! on doit se concentrer intensément sur tout cet univers comme s’il était vide et là même la pensée se résorbe. Alors on devient le vase d’élection de l’absorption en ce vide.
59/ Qu’on fixe le regard sur un récipient, une cruche ou quelque autre objet en faisant abstraction de ses parois. Lorsqu'on parvient à s’absorber en ce vide, à cet instant précis et grâce à cette absorption, on s’identifiera à Lui.
60/ Qu’on fixe le regard sur une région dépourvu d’arbres, de montagnes, de murailles ou d’autres objets. Dans l’état mental d’absorption on devient un être dont l’activité fluctuante a disparu.
61/ Au moment où l’on perçoit deux choses, prenant conscience de l’intervalle entre elles, qu’on s’y installe ferme. Si l’on bannit simultanément toutes deux, alors, dans cet intervalle, la Réalité resplendit.
62/ Que l’esprit qui vient quitter une chose soit bloqué et ne s’oriente pas vers une autre chose. Alors, grâce à la chose qui se trouve entre elles, la Réalisation s’épanouit dans toute son intensité.
63/ En vérité, que l’on évoque parfaitement, de façon simultanée dans sa totalité, soit l’univers, soit son propre corps comme s’il était fait de conscience. Alors, à l’aide d’une pensée sans dualité, on obtiendra le suprême Éveil.
64/ En pratiquant la friction des deux souffles, à l’extérieur ou à l’intérieur, le yogin deviendra à la fin le vase d’élection d’où surgit la connaissance suprême de l’Égalité.
65/ Que le yogin considère soit l’univers entier soit son propre corps, simultanément dans sa totalité, comme rempli de sa propre félicité. Alors, grâce à son ambroisie intime, il s’identifiera à la suprême félicité.
66/ Comme par un procédé de magie, O Belle aux yeux de gazelle ! la grande félicité se lève subitement. Grâce à elle la Réalité se manifeste.
67/ Lorsqu'on fait échec au flot tout entier des activités sensorielles par le moyen de l’énergie du souffle qui s’élève, peu à peu, au moment où l’on sent un fourmillement, le suprême bonheur se propage.
68/ Mais qu’on fixe la pensée qui n’est plus que plaisir dans l’intervalle de feu et de poison. Elle s’isole alors ou se remplit de souffle et l’on intègre la félicité de l’Amour.
69/ La jouissance de la Réalité du brahman qu’on éprouve au moment où prend fin l’absorption dans l’énergie fortement agitée par l’union avec une parèdre (shakti), c’est elle précisément qu’on nomme jouissance intime.
70/ O Maîtresse des Dieux ! l’afflux de la félicité se produit même en l’absence d’une énergie (femme), si l’on se remémore intensément la jouissance née de la femme grâce à des baisers, des caresses et des étreintes.
71/ Ou encore à la vue d’un parent dont on a été longtemps séparé, on accède à une félicité très grande. Ayant médité sur la félicité qui vient de surgir, on s’y absorbe, puis la pensée s’identifie à elle.
72/ Grâce à l’épanouissement de la félicité qui comporte l’euphorie causée par la nourriture et la boisson, qu’on adhère de tout son être à ce état de surabondance et l’on s’identifiera alors à la grande Félicité.
73/ Si un yogin se fond dans le bonheur incomparable éprouvé à jouir des chants et autres plaisirs sensibles, parce qu’il n’est plus que ce bonheur, une fois sa pensée stabilisée, il s’identifiera complètement à lui.
74/ Là ou la pensée trouve satisfaction, c’est en ce lieux même, qu’il faut river cette pensée sans fléchir; c’est là, en effet, que l’essence de la suprême félicité se révèle pleinement.
75/ Lorsque le sommeil n’est pas encore venu et que pourtant le monde extérieur s’est effacé, au moment où cet état devient accessible à la pensée, la Déesse suprême se révèle.
76/ Le regard doit être fixé sur une portion d’espace qui apparaît tachetée sous le rayonnement du soleil, d’une lampe etc… C’est là même que resplendit l’essence de son propre Soi.
77/ La suprême fusion dans le Tout se révèle au moment de la perception intuitive de l’Univers, grâce aux attitudes suivantes : le repos de la mort, la fureur, la fixité du regard, la succion ininterrompue et la concentration sur l’éther.
78/ Installé sur un siège moelleux, ne reposant que sur son séant, pieds et mains privés de support; par l’effet de cette attitude, l’intelligence intuitive la plus haute accède à la plénitude.
79/ Confortablement installé sur un siège, les bras croisés ayant fixé la pensée au creux des aisselles, grâce à cette absorption on obtiendra la quiétude.
80/ Ayant fixé les yeux sans cligner sur un objet à forme grossière et si l’on prive la pensée de tout support, l’on parviendra sans tarder à Shiva.
81/ La bouche étant largement ouverte, la langue au centre, si l’on fixe la pensée sur ce centre en récitant mentalement le phonème Ha, l’on s’abîmera alors dans la paix.
82/ Se tenant assis ou couché, un yogin, doit évoquer avec intensité son propre corps comme privé de support; dans une pensée qui s’évanouit, à l’instant même, ses prédispositions inconscientes s’évanouiront.
83/ Ou encore si l’on se trouve dans un véhicule en mouvement, ou si l’on meut le corps très lentement, O Déesse ! jouissant alors d’une disposition d’esprit bien apaisée, l’on parviendra au flot divin.
84/ Si contemplant un ciel très pur, on y fixe le regard sans la moindre défaillance, l’être tout entier étant immobilisé, à ce moment même O Déesse ! on atteindra la Merveille de bhairava.
85/ Qu’on évoque tout l’espace-vide sous forme d’essence de bhairava, comme dissous dans sa propre tête. Alors l’univers tout entier s’absorbera dans la Réalité de l’éclat, expression même de Bhairava.
86/ Quand on connaît pleinement la forme de Bhairava dans la veille et autres états, c’est à dire : connaissance limitée et production de dualité quant à la veille, vision extériorisante quant au rêve et aussi ténèbres quant au sommeil profond, on est alors empli de la splendeur infinie de la Conscience.
Une chose limitée étant connue, engendre la dualité. Telle est la lumière extérieure, qui équivaut aux ténèbres. D'autre part qu’on la perçoive comme pleine de la Lumière infinie de la Conscience, et l’univers entier, assumera la forme de Bhairava.
87/ De même durant une nuit noire, à l’arrivée de la quinzaine sombre, ayant évoqué sans discontinuer la forme ténébreuse, on accédera à la Réalité de Bhairava.
88/ De même, tenant d’abord les yeux bien fermés, une couleur sombre apparaît. Si on les ouvre, tout grands en évoquant la forme de Bahirava, on s’identifiera à elle.
89/ Qu’un obstacle s’oppose à l’exercice d’un organe quelconque ou que de soi-même on y fasse obstruction, si l’on s’enfonce dans le vide sans dualité, la même le Soi resplendit.
90/ Si l’on récite le phonème A sans bindu ni visarga, le Seigneur suprême, ce puissant torrent de connaissance, surgit imprévisible O Déesse !
91/ Qu’on fixe l’esprit sur la fin du visarga de n’importe quelle lettre pourvu de visarga et, par l’intermédiaire d’une pensée libérée de tout fondement, on entrera en contact avec l’éternel brahman.
92/ Qu’on médite sur son propre Soi en forme de firmament illimité en tous sens. Dès que la conscience se trouve privée de tout support, alors l’Énergie manifeste sa véritable essence.
93/ Après avoir perforé une partie quelconque de son corps avec un instrument pointu ou autre, si l’on tient alors son esprit appliqué à cet endroit précis, la progression éclatante, vers Bhairava se produira.
94/ On doit se convaincre de l’idée, que les organes, les souffles, la pensée n’existent pas en moi. Grâce à l’absence de pensée dualisante qui en résulte, on transcende à jamais tous les vikalpa. (les notions duelles)
95/ L’illusion est dite ‘la pertubatrice’. La fonction de kalâ, consiste en une activité fragmentatrice et ainsi de suite pour les autres cuirasses et limitations. Considérant qu’il n’y a là qu’attribut des catégories, qu’on ne s’en sépare pas.
96/ Ayant observé un désir qui surgit soudain, qu’on y mette fin brusquement. Quelle que soit la source d’où il jaillit, que là même il s’absorbe.
97/ Quand ma volonté ou ma connaissance n’ont pas encore surgi, que suis-je, en vérité ? Telle est, dans l’ordre de la Réalité, la nature du Je. La pensée s’identifie à cela, puis s’absorbe en cela.
98/ Mais une fois que la volonté ou la connaissance se sont produites, on doit y river la pensée au moyen de la conscience de Soi ; l’esprit étant indifférent à toute autre chose, alors jaillira l’intuition du Sens de la Réalité.
99/ Toute connaissance est sans cause, sans support et fallacieuse par nature. Dans l’ordre de la Réalité absolue, cette connaissance n’appartient à personne. Quand on est ainsi totalement adonné à cette concentration. O Bien-aimée ! on devient Shiva.
100/ Celui qui a pour propriété la Conscience réside dans tous les corps ; il n’y a nulle part de différenciation. Ayant alors réalisé que tout est fait de cette Conscience, il est l’homme qui a conquis le devenir.
101/ Si l’on réussit à immobiliser l’intellect alors qu’on est sous l’emprise du désir, de la colère, de l’avidité, de l’égarement, de l’orgueil, de l’envie, la Réalité de ces états subsiste seule.
102/ Si l’on médite sur le cosmos en le considérant comme une fantasmagorie, une peinture ou un tourbillon et qu’on arrive à le percevoir tout entier comme tel, le bonheur surgira.
103/ On ne doit pas fixer la pensée dans la douleur ni la gaspiller dans le bonheur, O Bhairavi ! Veuille connaître toute chose au milieu des extrêmes. Eh quoi ! la Réalité seule subsiste.
104/ Après avoir rejeté son propre corps en réalisant : « je suis partout » d’une pensée ferme et d’une vision qu n’a égard à rien d’autre, on accède au bonheur.
105/ La discrimination ou le désir, ne se trouve pas seulement en moi mais apparaît aussi partout, dans les jarres et autres objets. Réalisant cela, on devient omnipénétrant.
106/ La perception du sujet et de l’objet est la même chez tous les êtres nantis d’un corps. Mais ce qui caractérise les yogin c’est leur attention ininterrompue à l’union du sujet et de l’objet.
107/ Que même dans le corps d’autrui on saisisse la conscience comme dans le sien propre. Se désintéressant de tout ce qui concerne son corps, en quelques jours on devient omnipénétrant.
108/ Ayant libéré l’esprit de tout support, qu’on cesse de penser selon une pensée dualisante. Alors, O femme aux yeux de gazelle ! l’état de Bhairava réside dans le fait que le Soi devient le Soi absolu.
109/ Quand on se renforce dans la réalisation suivante : ‘Je possède les attributs de Shiva, je suis omniscient, tout-puissant et omnipénétrant ; je suis le Maître suprême et nul autre, on devient Shiva.
110/ Comme les vagues surgissent de l’eau, les flammes du feu, les rayons du soleil, ainsi ces fluctuations de l’univers se sont différenciées à partir de moi, le Bhairava.
111-112/ Lorsque, physiquement égaré, on a tourné de tous côtés et en tout hâte au point de tomber à terre d’épuisement; grâce à l’arrêt de l’effervescence produite par l’envahissement de l’énergie, la condition suprême apparaît.
Si l’on est privé de force ou de connaissance à l’égard des choses ou encore si la pensée se dissout dans l’extase, dès que prend fin l’effervescence produite par l’envahissement de l’énergie, la forme merveilleuse de Bhairava se révèle.
113/ Écoute, O Déesse ! Je vais t’exposer tout entier cet enseignement traditionnel et mystique : il suffit que les yeux fixent sans cligner pour que ce produise aussitôt l’isolement.
114/ S’étant bouché les oreilles ainsi que l’ouverture inférieure (anus), puis méditant sur la résonance sans consonne ni voyelle, qu’on entre dans l’éternel Brahman.
115/ Se tenant au dessus d’un puits très profond, les yeux fixés sur le fond sans cligner, dès que l’intelligence intuitive du yogin est exempte de dualité conceptuelle, aussitôt la dissolution de la pensée se produira clairement en lui.
116/ Partout où va la pensée, vers l’extérieur ou encore vers l’intérieur, O Bien-aimée ! là se trouve l’état shivaïte ; celui-ci étant omnipénétrant, où donc la pensée pourrait-elle aller pour lui échapper.
117/ Chaque fois que par l’intermédiaire des organes sensoriels, la conscience de l’omniprésent se révèle, puisqu'elle a pour nature fondamentale de n’être que cela, à savoir pure conscience, grâce à l’absorption dans la Conscience absolue, on accède à l’essence de la plénitude.
118/ Au commencement et à la fin de l’éternuement, dans la terreur et l’anxiété ou quand on surplombe un précipice, lorsque’on fuit le champ de bataille, au moment où l’on ressent une vive curiosité, au stade initial ou final de la faim, etc ... la condition faite d’existence brahmique se révèle.
119/ A la vue d’un certain lieu, qu’on laisse aller sa pensée vers des objets dont on se souvient. Dès qu’on prive son corps de tout support, le Souverain omniprésent s’avance.
120/ Après avoir posé le regard sur un objet quelconque, qu’on l’en retire très lentement. Alors la connaissance de cet objet n’est accompagné que de pensée, O Déesse, et l’on devient le réceptacle du vide.
121/ Cette sorte d’intuition qui, grâce à l’intensité de l’adoration, naît chez l’homme parvenu au parfait détachement, c’est l’énergie même du Bienfaisant. Qu’on l’évoque perpétuellement et l’on s’identifiera à Shiva.
122/ Alors qu’on perçoit un objet déterminé, la vacuité s’établit peu à peu à l’égard des autres objets. Ayant médité en pensée sur cette vacuité même, bien que l’objet reste connu, on s’apaise.
123/ Cette pureté qu’enseignent les gens de peu de savoir, apparaît dans la doctrine de Shiva comme une véritable impureté. Il ne faut pas la considérer comme pure, en vérité, mais comme polluée. C’est pourquoi s’affranchissant de pensée dualisante, qu’on parvienne au bonheur.
124/ La réalité de Bhairava a partout son domaine y compris chez les gens du commun. Et l’homme qui prend conscience de ceci : « rien n’existe qui en soit distinct », accède à la condition Sans-second.
125/ Étant le même à l’égard d’amis et d’ennemis, le même dans l’honneur et le déshonneur ; grâce à la parfaite plénitude du brahman, ayant compris cela, qu’on soit heureux.
126/ On ne doit nourrir nulle haine à l'égard de quiconque ; on ne doit pas non plus nourrir d'attachement. Dans (cet état) intermédiaire qui est libération d'attachement comme de haine. Le brahman se glisse.
127/ L’inconnaissable, l’insaisissable, le vide et ce qui n’accédera jamais à l’existence, imaginez tout cela comme Bhairava et à la fin de cette évocation, l’illumination se produit.
128/ Ayant fixé la pensée sur l’espace externe qui est éternel, sans support, vide, omnipénétrant et dépourvu d’opération, qu’on se fonde alors dans le non-espace.
129/ Quel que soit l’objet vers lequel la pensée se dirige, il faut à cet instant précis et à l’aide de cette pensée quitter l’objet complètement sans laisser un autre s’installer à la place. Alors on sera exempt de fluctuation.
130/ Étymologie fantaisiste de Bhairava :
Au moyen de ‘bhâ’, la lumière consciente, tout résonne (rava). ‘Sarvadah’ : il donne toute chose, (da = Râ), il pénètre dans tout l’univers (vyâpaka = Vâ).
131/ A l’occasion d’affirmations comme ‘je suis, ceci est à moi’, etc., la pensée accède à ce qui n’a pas de fondement. Sous l’aiguillon d’une telle méditation, on s’apaise.
132/ Éternel, omniprésent, sans support, omnipénétrant, souverain de tout ce qui est. Méditant à chaque instant sur ces mots, on en réalise la signification conformément à l’objet signifié (Shiva).
133-134/ Tout cet univers est privé de réalité à l’image d’un spectacle fictif. Quelle est la réalité d’un tel spectacle ? Si l’on est fermement convaincu de cette vérité, on acquiert la paix. Comment y aurait-il connaissance ou activité pour un Soi affranchi de toute modalité ? Les objets externes dépendent de la connaissance et partant de là, ce monde est vide.
135/ Il n’existe plus pour moi de lieu, il n’y a plus pour moi de libération. Lien et libération ne sont que deux épouvantails à l’usage d’un être terrifié. Cet univers apparaît comme un reflet dans l’intellect à l’image du soleil sur l’eau.
136/ Toute impression comme le plaisir, la douleur, etc .. nous parvient par l’intermédiaire des organes sensoriels. S’étant détaché de ces organes, on prend assise en soi-même, puis on demeure à jamais dans son propre Soi.
137/ Toute chose se manifeste par la Connaissance et le Soi se manifeste par toute chose. En raison de leur essence unique, connaissance et connu se révèlent comme ne faisant qu’un.
138/ Faculté mentale, conscience intériorisée, énergie du souffle, et soi limité aussi ; quand ce quatuor a complètement disparu. O Bien-aimée ! alors la forme merveilleuse de ce Bhairava subsiste seule.
139-140/ Ainsi 112 instructions concernant le sans-houle viennent d’être brièvement exposées. O Déesse ! l’homme qui les connaît reçoit le nom de ‘familier de la connaissance’. Quiconque s’adonne à une seule de ces instructions ici décrites devient lui-même Bhairava en personne. Ses paroles se réalisent en actes et il confère bénédictions et malédictions.
141-144/ O Déesse ! il ne vieillit pas, il ne meurt pas; il est doué d’attributs supranaturels comme les pouvoirs d’exiguïté et autres. Choyé des yoginis, il agit en maître au cours de toutes leurs réunions. Il est libéré bien qu’il demeure encore en cette vie et bien qu’il s’adonne à des activités ordinaires.
La déesse dit :
O Seigneur tout-puissant, si telle est la forme merveilleuse de la suprême énergie et qu’on la prenne comme règle générale, O Dieu ! qui récite et quelle est la récitation ? Qui médite, O grand Maître ! qui adore et qui tire satisfaction de l’adoration ? Qui offre l’oblation et quel est le sacrifice, qui le fait et comment et pour qui ?
Bhairava répond :
O femme aux yeux de gazelle ! cette pratique ici mentionnée est extérieure et ne relève que des seules modalités grossières.
145/ En vérité cette Réalisation qu’on expérimente encore et encore à l’intérieur de la suprême réalité, voilà ce qu’est ici la véritable récitation. De même, on doit considérer ce qui est récité comme une résonance spontanée consistant en une formule mystique.
146/ Un intellect inébranlable, sans aspects ni fondements, voici, en vérité ce que nous appelons méditation. Mais la représentation imagée de divinités nanties de corps, organes, visages, mains, etc. n’offre rien de commun avec la vraie méditation.
147/ L’adoration véritable ne consiste pas en une offrande de fleurs et autres dons, mais en une intelligence intuitive bien établie dans le suprême firmament de la Conscience, exempt de pensée dualisante. En vérité, cette adoration se confond avec l’absorption en Shiva issue de l’ardeur mystique.
148/ Si l'on s'adonne fermement à une seule (des cent douze formes de concentration) ici décrites, on réalisera la modalité de surabondance de jour en jour (plus profondément). La planitude qui excède toute limite, telle est ici la satisfaction (de l'être adoré).
149/ Lorsqu'on verse en oblation dans le feu sacrificiel - ce réceptacle du grand vide - les éléments, les organes, les objets, etc. y compris la pensée, voici la véritable oblation (dans laquelle) la conscience fait office de cuillère sacrificielle.
150-151/ O Maitresse suprème ! La satisfaction qui a pour signe caractéristique la félicité, voici en ce cas le sacrifice. Par la destruction (ksapana) de toutes les imperfections et par la protection (trana) de tous les êtres, (on obtient) ksetra. tel est, O Parvati, le Sanctuaire (ksetra) réel, la compénétration de Rudra et de l'énergie, réalisation la plus haute. Qu'elle pourrait être autrement l'adoration de cette Réalité et qui en tirerait satisfaction ?
152/ Le Soi, en vérité a pour moelle autonomie, félicité et Conscience. Si l’on plonge intégralement son propre soi dans cette essence, c’est là ce qu’on appelle le ‘bain rituel’.
153/ Le transcendant et l’immanent que l’on honore précisément avec des offrandes et qui en tirent satisfaction ; celui aussi qui les offre; tous ne forment qu’un. Où est l’adoration véritable, sinon là ?
154/ Que le souffle exhalé sorte et que le souffle inhalé entre, de leur propre accord. La Kundalini dont l’aspect est sinueux retrouve son essence dressée. C’est la grande Déesse immanente et transcendante, le suprême Sanctuaire.
155/ Lorsqu'on prend de fermes assises dans le rite de la grande félicité et qu’on suit attentivement la montée de cette énergie, grâce à cette Déesse, étant bien absorbé en elle, on atteindra le suprême Bhairava.
155 bis - 156
En émettant le phonème SA, il se dirige vers l’extérieur par le souffle, en énonçant le phonème HA, il entre à nouveau. C’est ainsi que l’individu répète inlassablement cette formule hamsa, hamsa.
21600 fois jour et nuit, cette récitation est prescrite comme celle de la suprême Déesse. Très facile à accomplir, elle n’apparaît difficile qu’aux ignorants.
157-160/ O Déesse ! je viens ainsi de t’exposer cette suprême ambroisie que rien ne surpasse, mais qu’il ne faut jamais révéler à quiconque est disciple d’un autre ordre, est un méchant, un cruel, ou manque de dévotion envers le Maître spirituel. Par contre, qu’on la dévoile, aux intelligences intuitives que n’effleure jamais aucun doute, aux héros, aux magnanimes, à tous ceux qui vénèrent la lignée des Maîtres. A tous ceux-là, qu’on dispense sans hésiter. O belle aux yeux de gazelle ! village, royaume, ville, pays, fils, parent, tout ce dont on peut s’emparer, il faudra l’abandonner complètement ! A quoi bon ces choses évanescentes, O Déesse, seul ce suprême trésor est permanent !
161-162/ Il faudra abandonner la vie elle-même, mais qu'on ne renonce pas à l'ambroisie la plus haute.
La Déesse s'écrie :
O Dieu des dieux, grand Dieu ! me voici parfaitement satisfaite, O Seigneur ! Maintenant j’ai reconnu avec certitude la quintessence du Rudrayâmalatantra et maintenant aussi j’ai perçu intuitivement le Cœur de toutes les énergies différenciées.
163/ Après avoir proféré ces paroles, la Déesse, pleine de béatitude, tenant Shiva embrassé, s’identifia à Lui.
Traduction Lilian Silburn
(chargée de recherches au CNRS, membre du collège France, Publications de l’institut de civilisation Indienne Paris 1983)
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